« Pour une réconciliation, il faut être deux. Ce n’est pas le cas ! »
Historien, spécialiste des migrations en Méditerranée et auteur de nombreux ouvrages, Jean-Jacques Jordi nous apporte son éclairage...
Ce rapport a-t-il un réel intérêt ?
Oui, parce qu’il va fournir au Président d’éventuelles pistes à suivre. Maintenant, il s’agit d’un rapport sur la réconciliation et force est de constater que pour une réconciliation, il faut être deux. L’entreprise est ardue pour Benjamin Stora, parce que face à lui, il y a un Président, Abdelmadjid Tebboune, et l’expert désigné par l’Algérie, Abdelmadjid Chikhi, qui disent très clairement qu’ils ne veulent pas de réconciliation. On tend la main à des personnes qui restent les bras croisés. On pourra bien sûr mettre en place des actions, mais avec qui les mener ?
Au-delà de ce travail sur la réconciliation, Benjamin Stora préconise d’accorder plus de place dans l’enseignement à l’histoire de la France en Algérie. Une bonne chose ?
Oui. Avoir une démarche d’explication, d’intelligibilité, apporter de la compréhension, donner des clés aux plus jeunes, c’est très important. Quand on n’a que quatre heures pour parler de la guerre d’Algérie, ça va très vite.
Peut-être faudrait-il passer plus rapidement sur les grandes civilisations et s’attarder davantage sur l’histoire des XIXe et XXe siècles.
Le choix de Benjamin Stora pour ce travail ?
C’est un historien qui possède une thèse de sociologie, qui a beaucoup travaillé sur l’Algérie et sur les mouvements d’indépendance. Certaines associations de rapatriés pensent qu’il en fait plus pour les uns que pour les autres, mais c’est en fonction des sujets d’étude que vous vous donnez. C’est l’un des meilleurs connaisseurs de l’Algérie, alors pourquoi pas lui ?
Franchement, pensez-vous que l’action du Président finira par porter ses fruits ?
Je crois que ce qu’il fait, c’est tendre la main à l’Algérie pour voir si elle la prend. Je pense qu’il y a un certain aveuglement de nos hommes politiques qui pensent que le moment est venu d’une réconciliation. On a essayé aux grandes dates anniversaires – , , –, en vain. Mais cela ne veut pas dire qu’en France, on doit considérer que tout a été fait. On a encore des domaines à approfondir et il est bien que l’on puisse ouvrir toutes ces pages d’histoire.