Monaco-Matin

Le tram à chevaux du Borrigo

Retrouvez comme chaque samedi, la rubrique d’art et d’histoire du pays Mentonnais

- MARCEL VIALE ()

Dans mes jeunes années (1920-1930), il y avait deux trams à cavale : un pour la vallée de Gorbio et l’autre qui desservait les vallées Borrigo-Castagnins.

Mis en service avant la Première Guerre mondiale, le tram du Borrigo fut exploité par la famille Delbecco, puis par Pié Verda et enfin par la maison Caputo.

J’ai bien connu celui de la vallée du Borrigo pour l’avoir souvent emprunté. Il y avait deux couples de chevaux qui, se relayant, assuraient quatre services réguliers par jour entre la place Clemenceau et le moulin Lottier au Borrigo. Il comportait 12 places assises (sur des bancs très rapprochés les uns des autres) et 3 à 5 places debout. Le prix de la place était fixé à 0,50 frs dans les années 20, alors qu’à la même époque un trajet similaire coûtait de 3 à 5 frs en fiacre ou voiture de place. Sur la ligne du Borrigo, le cocher, surnommé Jouanin, fut longtemps un personnage haut en couleur, la tête toujours cachée sous un grand chapeau gris et vêtu d’une veste foncée, été comme hiver.

Un jour de juillet 1924, j’avais alors une dizaine d’années, et il était midi,, heure du départ du tram de la place Clémenceau. Comme chaque jour, nous avions pris place à bord du tram avec ma mère et une de mes tantes. Le tram était bondé et je m’étais installé à l’avant, debout à côté de la place du cocher. Celui-ci était allé boire un ballon. Les gens s’impatienta­ient. Sans trop faire attention, je touchais les rênes et les chevaux qui n’attendaien­t que cela, partirent aussitôt au petit trot dans la rue Saint Michel, pratiqueme­nt déserte, à cette heurelà. Ce n’est qu’aux abords de la rue Honorine, qu’aux cris poussés par les voyageurs, qu’un des cochers de fiacres qui stationnai­ent là, parvint à arrêter notre attelage, permettant à Jouanin de reprendre son poste au terme d’une course-poursuite assez épique !

En attendant le tram…

Autre anecdote, c’était une journée de novembre 1930.

J’avais 16 ans et je venais de prendre mon premier permis de chasse, et nous voilà partis, à pieds, un dimanche matin en compagnie d’un de mes bons amis, feu Honoré Lorenzi, caviste à l’époque aux Établissem­ents Janvier Carenso. Direction Castillon, 5 heures du matin. Après un affût matinal aux grives, aux abords du grand viaduc du Caramel, nous décidâmes d’aller prendre le tram à la gare de Castillon, située à l’entrée du tunnel, afin d’aller chasser en territoire de Sospel, beaucoup plus giboyeux… Le tram électrique qui partait de Menton, en place Saint Roch, à 8 heures, devait y passer vers 9 heures. Nous étions là à l’attendre dans la petite constructi­on faisant office de gare, guettant son arrivée, lorsqu’un vol d’étourneaux fit son apparition. En vitesse, nous ouvrîmes la fenêtre, prêts à les accueillir et quand ils furent à tir, ensemble, nous faisons feu. Mais voilà, ayant un peu trop levé mon fusil, un Simplex, calibre 16, acheté à Manufrance pour 310 francs, ce fut un coin du cadre en bois de la petite fenêtre qui reçut la décharge, emportant le morceau !

Inutile de vous dire que ce jour-là, nous n’attendîmes plus l’arrivée du tram… !

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(Photo coll. JC Volpi) Le tram à chevaux place du Cap.

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