Monaco-Matin

Julie Meunier la tête dans les nouages

Après avoir vaincu un cancer du sein agressif à l’âge de 27 ans, elle s’est fixé une mission : aider ses « soeurs de combat », avec Les Franjynes, sa société. Installée entre Nice et Le Revest-les-Eaux, elle vient de publier un témoignage fort et inspiran

- JIMMY BOURSICOT jboursicot@nicematin.fr

Julie Meunier a pris l’habitude de raconter son histoire. Celle d’une jeune femme soudain embarquée dans une lutte féroce contre une tumeur logée dans son sein gauche. Elle avait décidé de la nommer Jean-Yves, histoire de dédramatis­er un peu.

Julie est également rodée lorsqu’il s’agit d’évoquer Les Franjynes, son entreprise sociale et solidaire proposant une alternativ­e aux perruques, pour les personnes atteintes d’alopécie, à la suite d’un cancer ou d’un choc émotionnel.

À 33 ans, elle va encore plus loin dans les confidence­s avec À mes soeurs de combat (Larousse éditions), un livre sorti cette semaine. Comme lors de notre échange, Julie Meunier n’élude rien, affiche sa force de caractère autant que ses doutes. Les mots sont ceux d’une survivante, bien décidée à ne plus gâcher son temps avec un métier peu épanouissa­nt et un cadre étriqué dans lequel elle s’était enfermée.

La panoplie de Xéna

Les fausses franges et les jolis turbans qu’elle vend aujourd’hui, elle les a d’abord imaginés pour son propre usage. « Comme des accessoire­s indispensa­bles de ma panoplie de Xéna la guerrière », nous glisse-t-elle. Rire généreux et sourire rayonnant complètent l’attirail de cette éternelle coquette. Entre les séances de chimiothér­apiepuisde­radiothéra­pie, pas question de ne pas prendre soin de soi. « Jamais tu n’imagines te voir comme ça un jour, sans cils, sans sourcils, sans cheveux. Cette personne dans le miroir, je ne l’avais jamais vue. Pour moi, la beauté, ce n’était vraiment pas futile. Ce n’était pas important, c’était vital. Il fallait que je puisse sortir de ma salle de bains la tête haute, en m’étant réappropri­é une image et une identité qui me convenaien­t parfaiteme­nt. Sans ça, je pense que je n’aurais pas vécu mes traitement­s comme j’ai réussi à les vivre. C’était ma façon de me construire pendant ce combat, et de me reconstrui­re dans l’après. »

« Tout ça n’a pas pu m’arriver pour rien »

Pour son livre, Julie Meunier a dû se replonger dans le « pendant ». Ces longs mois où elle a bataillé ferme, où les effets secondaire­s se sont enchaînés, où ses proches la voyaient s’étioler, avant de remonter la pente. Vingt-quatre séances de chimiothér­apie, deux opérations, quarante séances de radiothéra­pie et cinq ans d’hormonothé­rapie.

« C’est sans doute le chapitre qui a été le plus dur à écrire. D’autant plus que je me suis replongée dans les dates et les souvenirs au moment du premier confinemen­t. »

On lui demande si son entourage lui a jamais soufflé l’idée de s’éloigner le plus loin possible de ces histoires de corps qui flanchent et de crânes chauves. « Ben oui, on me le dit tout le temps. Mes amis n’arrivent pas trop à comprendre. Mais il n’y a rien à comprendre. J’ai l’impression d’être en mission. Aujourd’hui, je suis passionnée par le don de moi-même pour les autres. Je ne peux pas l’expliquer. Je me dis que tout ça n’a pas pu m’arriver pour rien. Il faut que ce soit profitable à d’autres. »

Depuis un an, les personnes malades peuvent venir faire leurs essayages dans un grand showroom à Nice, rue Vernier. « J’ai décoré comme si c’était chez moi. Je voulais proposer un lieu complèteme­nt différent, loin du monde médical. Pour que les patientes se sentent à l’aise, qu’elles soient transporté­es ailleurs. »

Adieu la juriste BCBG, bonjour la créatrice tatouée

Même si elle aurait « aimé que le déclic se produise dans d’autres circonstan­ces », Julie Meunier est sortie transformé­e de cette épreuve. Fini de vouloir cocher les cases de la fille parfaite, tirée à quatre épingles et un peu terne. « J’ai des parents ouvriers, qui avaient du mal à boucler les fins de mois. Ils voulaient que je puisse avoir une vie plus simple que la leur. Je bossais la journée et je prenais des cours du soir. Je suis devenue juriste en droit immobilier, propriétai­re de mon appartemen­t à 25 ans avec mon ancien compagnon. Je me suis rendu compte que ce travail ne me plaisait pas, que je n’avais pensé qu’à ma carrière, sans jamais voyager. Je me mettais beaucoup de barrières. » Julie a fini par se remettre au dessin, a constellé son corps de tatouages, affirmé son look et lancé sa propre entreprise, où son esprit créatif peut enfin s’exprimer. « Je me suis dit que même si ça foirait, ce ne serait pas grave. Il n’y a que la mort qui n’est pas réparable. Les Franjynes, c’est peut-être le bébé que je n’aurais jamais. Aujourd’hui, je donne tout à ma boîte. Peut-être que je m’oublie parfois. Mais de temps en temps, j’arrive à me mettre des limites... »

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J’ai l’impression d’être en mission”

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