Monaco-Matin

Mon cher Winston

- Journalist­e edito@nicematin.fr

Winston Churchill est mort un dimanche. Comme Lady Diana. Maudit sunday qui a emporté le Vieux Lion et la Princesse des coeurs. Les Anglais devraient détester le dernier jour de la semaine. Pas leur style. Ils laissent la haine à la porte de leur cottage et se servent du thé en évoquant le Brexit ou le dernier but de Harry Kane. Demain, ça fera cinquante-six ans que le héros de la Seconde Guerre mondiale nous a quittés. Personne ne l’a oublié. Normal : il est inoubliabl­e. Seule une légende peut déclarer, après les accords de Munich en  : « Vous avez eu à choisir entre la guerre et le déshonneur, vous avez choisi le déshonneur et vous aurez la guerre ». Quelle formule ! Churchill avait le sens de l’histoire et le souci de la phrase. Il écrit quand les autres scribouill­ent. Vous connaissez beaucoup de politiques qui obtiennent le Prix Nobel de littératur­e ? Le monde s’incline pour ses Mémoires de guerre. Six tomes, ça pose un homme. Ça ne va pas plaire à tout le monde, mais tant pis : j’ai toujours préféré Churchill à de Gaulle. Mon côté pied-noir sans doute. Que voulez-vous : j’aime les hommes qui fument le cigare et s’abreuvent de whisky. Surtout quand ils ont du courage et de l’esprit. Churchill avait les deux. Aujourd’hui, il passe pour le meilleur des Premiers ministres du Royaume-Uni. L’actuel locataire farfelu du  Downing Street lui a même consacré une biographie. Boris Johnson a de bonnes références, mais de mauvaises manières. Comment aurait réagi ce bon Winston face au coronaviru­s et à la sortie de l’Europe ? Dieu seul le sait. On sait, en revanche, comment il s’est comporté face à Hitler. À l’époque, le virus portait une petite moustache, une mèche ridicule et un brassard abject. Churchill l’a combattu de toutes ses forces, après avoir lâché une promesse célébrissi­me à son peuple : « Je n’ai rien à offrir que du sang, du labeur, des larmes et de la sueur. »

On connaît la suite. Dandy de grands chemins, original, génial, anticonfor­miste, ce tribun hors norme nous aurait fait avaler le variant anglais comme une sucrerie offerte par Buckingham Palace. Le taquin se serait ensuite allumé un double Corona avant de commander une bouteille de Pol Roger, son champagne adoré. Churchill fumait, buvait, mangeait sans modération. Ça lui réussissai­t pas mal. À  ans, il ressemblai­t encore à un poupon. Épicurien, il lui arrivait de traverser des épisodes dépressifs qu’il soignait par la peinture. Acteur de mille vies, il n’aura eu qu’un amour : Clémentine. Son seul fruit quotidien. Qui dans le fracas d’aujourd’hui porte un costume sur mesure, un noeud papillon, un chapeau melon et une parole d’exception ? Devant tant d’élégance et de fantaisie, notre général, glacial comme Colombey-lesDeux-Églises un petit matin d’hiver, lui souffla : « C’est Carnaval ? »

Réponse du Sir so british : « Tout le monde ne peut pas s’habiller en soldat inconnu ». Pas mieux. Churchill - de Gaulle : -.

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