Monaco-Matin

JOURNÉE) / MONACO - MARSEILLE, À  HEURES

« Des conseils au prince Albert » Formé et révélé à l’ASM puis star de l’OM (89-93 et 95-96), Manuel Amoros a marqué l’histoire des deux équipes qui s’affrontent ce soir. Pour lui, le club du Rocher est le mieux armé

- PROPOS RECUEILLIS PAR LEANDRA IACONO

Hidalgo ? Quel homme ! ”

Monaco ou l’OM, qui est votre favori ?

Au vu des dynamiques des deux équipes, je vois plutôt une victoire de Monaco.

Comment expliquer les difficulté­s marseillai­ses du moment ?

C’est compliqué parce qu’on n’est pas à l’intérieur du groupe. Mais sur le terrain, ce n’est vraiment pas flamboyant. Pourtant, il y a des joueurs de qualité. C’est peut-être une question de schéma tactique, auquel cas il n’y a pas de honte à essayer autre chose. VillasBoas a aujourd’hui un problème de vestiaire à régler. Le club passe avant tout. Il doit redonner de l’élan à cette équipe.

Les tensions Thauvin Payet, c’est un problème ?

Dans un vestiaire, il y a beaucoup de joueurs qui ne partiraien­t pas en vacances ensemble. Ce n’est pas un problème s’ils gardent en tête qu’ils se battent pour le même club. L’OM doit très vite se rassurer s’il veut accrocher l’Europe à la fin de la saison.

Vous avez récemment poussé un coup de gueule au sujet du président Eyraud…

À Marseille, tout le monde vit en fonction de ce que fait l’OM. Quand le président Eyraud dit qu’il n’apprécie pas que les gens qui travaillen­t pour le club soient déçus après une défaite, ce n’est pas normal. Peut-être qu’il n’a pas fait le nécessaire pour connaître Marseille et son environnem­ent. C’est un club compliqué. Si on n’est pas blindé émotionnel­lement, il ne faut pas venir à l’OM.

Passer de Monaco à Marseille, c’est changer de monde ?

Bien sûr. A Monaco, il faut se créer de la motivation. À Marseille, la ferveur suffit. Mais bon, chaque club a ses spécificit­és. Les joueurs ont une responsabi­lité, celle d’amener leur club le plus haut possible. Chacun le gère différemme­nt.

Vous rejoignez à  ans le centre de formation de l’ASM. Quels souvenirs en gardez-vous ?

C’est une superbe période d’adolescent. Un combat permanent et difficile. Ceux qui sont là depuis un an ou deux sont déjà préparés à ça et vous, vous ne l’êtes pas. Donc il faut avoir une force de caractère énorme. On arrive aussi dans un univers complèteme­nt différent, très luxueux. On était  ou  à dormir dans un hôtel, les autres chez l’habitant. Il fallait faire attention aux tentations.

Banide, Muller, Kovacs, Wenger… Quel coach a été le plus important dans votre progressio­n ?

Gérard Banide, un formateur exceptionn­el. Il m’a coaché d’abord au centre de formation avant de prendre l’équipe première. Avec lui, j’ai appris à jouer à tous les postes. Chaque coach a amené sa manière de faire. Wenger était le plus avantgardi­ste, avec les premières mises au vert et une nouvelle approche de la diététique.

Avec l’ASM, vous marquez  buts en  matchs. Pas trop mal pour un défenseur !

(Rires). Moi j’étais côté gauche avec Bruno Bellone. On était au centre de formation ensemble, on se connaissai­t par coeur. Je n’oubliais pas de défendre mais je me projetais beaucoup. On avait souvent le ballon, j’aimais beaucoup participer aux phases offensives.

Vous vous souvenez du plus beau ?

J’en ai marqué des pas mal, des jolis (rires). Ils sont tous beaux les buts qu’on marque, même les buts de raccroc.

Le meilleur joueur avec qui vous avez joué ?

À Monaco, Umberto Barberis. C’est l’un des joueurs avec qui je m’entendais le mieux, avec Alain Couriol. Un super footballeu­r et une très bonne personne. Il y a aussi eu Glenn Hoddle ou encore Chris Waddle à Marseille. Tous les joueurs étrangers avec qui j’ai joué ont été très bons, certains vous marquent bien sûr davantage.

Le plus fou ?

Bruno Bellone (rires). Malheureus­ement il a eu une grosse blessure à la cheville quand il était à Montpellie­r. Il n’a pas pu s’exprimer totalement. Dans son jeu, il était un peu fou. On était jeunes, on riait beaucoup.

Le prince Albert II ?

Une rencontre toujours spéciale. Il venait souvent s’entraîner avec nous. Il jouait arrière droit. Donc je lui donnais des conseils de temps en temps (rires). On lui faisait bosser sa qualité technique, son pied gauche. C’était super sympa.

Si vous deviez citer un OM - Monaco, ce serait ?

La finale de Coupe de France en . Malheureus­ement on l’a perdue -. Marcel (Dib) marque deux buts, moi un sur penalty. Il fallait bien un vainqueur mais qu’est-ce que ça a été difficile. Dans l’intensité, dans le scénario, avec tous les grands joueurs qui composaien­t ces deux équipes, ça a été un match fou.

Le moment le plus fort au Louis-II ?

Contre Strasbourg en . Ongagneàeton devient champions de France. On attendait ça depuis tellement longtemps. Je me souviens d’une rencontre très difficile avec un but sur corner synonyme de délivrance.

Et au Vélodrome ?

Il y en a eu tellement… Le contexte était différent. Avec les joueurs qu’on avait, on était programmés pour gagner.

Vous découvrez l’équipe de France à  ans grâce à Michel Hidalgo.

Quel homme ! Il m’a énormément marqué. Il m’a fait confiance. Plus qu’un coach ou un sélectionn­eur, c’était un affectif avec ses joueurs. C’est comme ça qu’il est parvenu à amener tout le monde là où il voulait.

Comment garder les pieds sur terre quand on grimpe si haut si jeune ?

On prend la grosse tête. Pour ma part, ce sont les anciens joueurs qui m’ont fait redescendr­e. Ils m’ont dit que le plus dur ne faisait que commencer. Ce n’était pas comme aujourd’hui, où on a l’impression que les joueurs ont réussi dès qu’ils ont signé leur premier contrat profession­nel. A l’époque, il fallait encore se bouger le cul pour confirmer tout le bien qu’on pensait de vous.

Il y a un moment où vous vous êtes dit ‘‘là je fais n’importe quoi’’?

Quand je suis arrivé en EDF, les anciens comme Lopez, Trésor, Battiston, Larios m’ont tout de suite mis à l’amende. Ils m’ont dit ‘‘c’est bien d’être arrivé là. Nous, on peut t’aider à y rester mais tu vas devoir adhérer au projet et faire les efforts.’’

Ce qu’a fait Battiston en finale de l’Euro , c’est le plus beau geste qu’on ait jamais fait pour vous ?

Évidemment ! Faire semblant d’être blessé pour me faire participer au sacre de l’équipe de France, c’est quelque chose qu’on ne verra sans doute plus jamais. C’est un geste qui mérite énormément de respect et qui montre surtout l’état d’esprit extraordin­aire qui animait notre groupe à l’époque. Je pense aussi à Jean-Louis Campora qui m’a offert mon premier contrat pro.

Deux ans après, vous terminez deuxième meilleur joueur de la Coupe du monde  derrière un certain Maradona...

Ce sont des moments extraordin­aires. J’étais en grande confiance. Je n’aurais pas été aussi performant si l’équipe ne m’avait pas mis dans les meilleures conditions. C’est cette force collective qui m’a permis d’être un des grands bonhommes de cette Coupe du monde.

Ce penalty raté lors de la finale perdue en  contre l’Etoile rouge de Belgrade avec l’OM, il est toujours dans votre mémoire ?

Ce n’est jamais agréable de perdre une finale. J’avais été élu meilleur joueur de ce match-là, mais je rate le penalty que je ne devais même pas tirer. Il y a une embrouille entre nous juste avant la séance, on n’était pas sereins. C’est du passé, mais il a fallu rebondir.

Vous en voulez à Bernard Tapie de vous avoir écarté du groupe pour la finale de?

On peut toujours avoir de la rancoeur, les choses ne se passaient pas très bien avec Tapie à ce moment-là. J’étais bien sûr déçu de ne pas participer à la finale, mais je fais quand même partie de l‘aventure.

En , vous revenez quand même à l’OM pour aider le club à remonter en D...

On était une équipe de copains, on était beaucoup à avoir déjà joué ensemble. On se devait de redonner au plus vite des couleurs à ce club, et c’est ce qu’on a fait.

Votre carrière vous laisse-telle des regrets ?

Comment pourrais-je en avoir ? J’ai rendu ma famille fière. Il y a eu des moments difficiles, il a fallu parfois se remettre en question, mais j’ai fait la carrière dont je rêvais.

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(Photo AS Monaco) Manuel Amoros a l’un des plus grands palmarès du football français.

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