Laurent Villa
Covid, établissements fermés. Quel restaurateur a envie de sourire actuellement ? Peutêtre le Cannois Laurent Villa, le boss du groupe Clav-RXDigital et fondateur des enseignes Tribeca, Beef House et Beer & Beef. Si durant les deux confinements, il a dû fermer ses dix brasseries réparties un peu partout dans l’Hexagone, la Covid lui a aussi permis d’accélérer sur la digitalisation de la restauration, un autre aspect de son business entamé il y a trois ans avec RXDigital. Testé dans son enseigne Tribeca, cet écosystème numérique dédié à la restauration se décline en plusieurs briques : de l’appli RXClub – 100 000 utilisateurs finaux – pour fluidifier le parcours client (prise de commandes et paiement facilités, offres tarifaires selon le créneau horaire et la saisonnalité...) à RXGestion pour piloter le restaurant.
D’où l’idée de Laurent Villa d’ajouter une nouvelle couche à son offre : RXEat, officiellement lancée aujourd’hui lundi 15 mars, qui ambitionne – en toute simplicité – de concurrencer Uber Eat. Le concept : livrer en véhicule électrique les particuliers – cannois pour commencer – en petits plats préparés par les restaurateurs... Mais aussi fournir lesdits restaurateurs en denrées alimentaires. Avec une spécificité, celles-ci doivent être de qualité et produites localement et acheminées en circuit court. Pour cela, l’entrepreneur s’appuie sur RXProduction : deux laboratoires de production et un troisième de 4 000 m2 à MouansSartoux pour lequel « Je viens de boucler une levée de fonds de 4,5 M€. Opérationnel à la fin de l’année, il complétera celui spécialisé dans le salé de Cannes et l’autre dans le sucré d’Aix-en-Provence. Il disposera d’une ligne de production de bière sur 1 500 m2, d’une autre d’eau de source et une troisième de glaces. » Pour débuter, Laurent Villa prévoit un brassage de quelque 10 000 hectolitres de bière «que nous produirons aussi en marque blanche. D’ailleurs, la première de la série sera, dès début 2022, la Nissa Beer, la bière du Stade niçois dont je suis actionnaire », explique ce passionné de rugby.
Avec cette troisième usine agroalimentaire qui n’achètera qu’auprès de producteurs et fournisseurs régionaux, l’entrepreneur estime être en capacité de produire presque 100 % des denrées alimentaires destinées aux restaurants partenaires de RXEat.
« Ils auront aussi accès à la place de marché BtoB MaSuperette.com qui proposera les produits manufacturés dans nos trois laboratoires ainsi que ceux de France Boissons et de Metro qui développe ses approvisionnements en circuit court. Deux fournisseurs avec lesquels nous avons des accords. Un seul camion suffira à livrer tous les produits dont ont besoin les restaurateurs. » Autre avantage : cette maîtrise de toute la chaîne de valeur permet de proposer un commerce plus équitable et responsable.
L’entrepreneur cannois ambitionne de transposer ce modèle partout en France, voire au-delà des frontières hexagonales. Pour autant, il va appliquer la méthode qui a fait son succès : y aller progressivement en éprouvant la solidité du modèle économique. « Gérer la qualité en mode circuit court n’est pas une mince affaire, souligne-t-il. On va démarrer au niveau régional, le Quart Sud-Est avant de s’attaquer à l’Ile-deFrance et Rhône-Alpes en septembre. D’ici à la fin de l’année, nous serons au national, prévoit-il. On vient d’ailleurs de signer deux franchisés : un dans le Var et l’autre dans le Lubéron qui s’occupera de développer le programme RXEat. »
Dans cette optique, Laurent Villa a noué des partenariats avec des grands noms régionaux, chacun amenant son savoir-faire. Ainsi, le groupe niçois Carnivor fournira de la viande provenant d’éleveurs locaux. Le transporteur de Carros Transcan livrera les restaurateurs en camion unique. Le Villeneuvois Ippolito apportera son expertise en logistique. S’ajoutent My-Wer pour la précision de sa géolocalisation et la SCEA La Coccinelle pour ses fraises, pommes et tomates produites de manière écologique.
Parce que son objectif avoué est de se concentrer sur la production alimentaire digitalisée, l’Azuréen a décidé de se désengager du groupe
Tribeca. « Pour des raisons de loyauté de marché vis-à-vis des restaurateurs partenaires, estime-t-il. On est en négociation pour céder la majorité du groupe. Ce qui n’empêchera pas les brasseries Tribeca de participer au développement de nos programmes digitaux et de devenir franchisés du programme RX. D’ailleurs, celle de Tribeca Tour Montparnasse en cours de construction à Paris [elle devrait être livrée en juin, ndlr] prendra la master franchise de RXEat. »
Ce resserrement des activités « afin d’être très qualitatif, délivrer un programme digital performant et des denrées de qualité » permettra au groupe de doubler d’ici vingt-quatre mois son effectif pour passer à quelque 1 200 collaborateurs. «Directement ou indirectement : avec les franchises Tribeca et MaSuperette.com. » Et côté chiffre d’affaires? « On ne peut pas dire grandchose de 2020 et 2021 semble compromis, analyse Laurent Villa, mais on est sur une volumétrie de 50 M€ de chiffre d’affaires avec un périmètre constant et une activité pleine. L’objectif est de faire quelque 300 M€ d’ici cinq ans, en intégrant les partenaires franchisés. » Doucement mais sûrement... (Visuel Groupe Gambetta)