Monaco-Matin

ELENA RÈGLE SES COMPTES

Séparé de Loeb, le Monégasque confie son amertume « Je ne suis pas mort, et encore moins fini »

- PROPOS RECUEILLIS PAR ADRIEN SANTUCCI monaco@nicematin.fr

C’est une annonce qui a bouleversé le monde du sport automobile. Sébastien Loeb et Daniel Elena se séparent après 23 ans de collaborat­ion, neuf titres de champions du monde des rallyes, et deux podiums au Dakar. À l’origine de cette séparation, une demande de Prodrive, équipe anglaise qui a fait ses grands débuts en rallye-raid cette année et trouve que le Monégasque n’était pas assez impliqué lors du dernier Dakar. Joint par téléphone et toujours sous le coup de l’émotion, Daniel Elena s’est exprimé à coeur ouvert, hier, sans manquer de franchise. Comme à son habitude…

Daniel, après  ans de collaborat­ion avec Sébastien Loeb, vos routes se séparent. Vous avez appris la décision par téléphone…

Je suis vraiment tombé des nues lorsque j’ai appris cette décision. Je pense qu’il y a d’autres manières de l’annoncer, surtout après  ans d’histoire commune. En temps réel, avec Seb un regard suffit. Mais là, je ne l’ai vraiment pas vu venir. J’étais complèteme­nt abasourdi, et pendant un long moment.

C’est un choix auquel vous ne vous attendiez pas ?

Vraiment pas ! J’attendais surtout qu’on me donne des nouvelles pour la suite du programme, et tout ce qui va avec. J’avais reçu un seul mail depuis qu’on était rentré du Dakar. Je savais qu’avec la Covid-, rien n’allait être simple, mais je ne m’attendais pas du tout à ce genre d’annonce. J’ai toujours fait mon job à fond…

Justement, Prodrive a trouvé que vous n’étiez pas assez impliqué. Qu’avez-vous à répondre à cela ?

Que c’est infondé et injustifié. Qu’est-ce qu’ils appellent par

« pas assez impliqué » ? Une personne qui se donne à  % de ses moyens ? Qui met des réveils toutes les  minutes ? Qui s’occupe de toujours veiller au grain, et de faire la mécanique ? On ne voit sûrement pas les choses de la même manière, c’est une certitude. Sur le dernier Dakar, on a passé plus de temps à faire de la mécanique que de rouler.

Est-ce que vous pensez payer les pots cassés du dernier Dakar, où on vous a reproché d’avoir commis trop d’erreurs ?

Oui il y a eu quelques erreurs de navigation, mais comme tout le monde. Il y avait surtout énormément de problèmes au niveau de la préparatio­n de la voiture. La philosophi­e du couple Loeb-Elena c’est d’être devant. On n’a jamais été là pour faire de la figuration. Mais avec leur voiture, et tous les soucis mécaniques, c’était du tourisme plus qu’autre chose. Je ne sais pas ce qu’ils attendaien­t de plus venant de moi. Je suis un compétiteu­r, et quand j’enfile le casque, je veux juste donner le meilleur de moimême pour Sébastien, et pour l’équipe.

Par le passé, Sébastien Loeb a toujours plaidé votre cause au baquet. Est-ce qu’aujourd’hui, vous lui en voulez personnell­ement ?

Non, je ne lui en veux pas du tout et il le sait très bien. Je le connais très bien, et je sais tout ce qu’il y a derrière ça. Il y a plusieurs contrats, et une pression face à laquelle il ne peut pas faire face. Il ne pouvait pas prendre le risque de s’opposer à ce choix. Il n’avait aucune autre possibilit­é que d’accepter de se séparer de moi.

Cette rupture sportive peut-elle impacter votre relation amicale ?

Seb et moi, nous n’avons pas

besoin de nous parler, on se connaît par coeur. Avant toute chose, lui et moi nous sommes surtout de vrais amis. Hier soir, après ce déferlemen­t sur les réseaux sociaux, on s’est même fait un apéro FaceTime. Et je lui ai bien dit que c’était sa passion, et qu’il devait aller au bout des choses même sans moi. Ils ont détruit une partie de la machine de guerre que nous étions, mais ça s’arrête au sport. L’amitié est là, et sera toujours là. Je suis juste personnell­ement déçu en tant que compétiteu­r dans l’âme.

Sébastien Loeb risque d’avoir ce supplément d’âme pour gagner et vous dédier cette victoire…

Certaineme­nt, et je lui souhaite vraiment de gagner le Dakar sans moi. Même si quand j’y pense, ça fait mal. Il y a  ans, nous sommes partis de rien, et nous avons toujours avancé ensemble. En , on rate la victoire pour  petites minutes, après avoir passé  minutes sur un problème mécanique. Si on avait gagné en , il n’y aurait rien eu de tout ça.

David Richards, patron historique de Prodrive, vous a répondu en disant clairement que Sébastien Loeb acceptait les décisions de l’équipe anglaise…

Je le redis, Sébastien n’avait pas d’autre choix. Il y a des enjeux, des contrats que personne ne connaît. Ce David Richards, personnell­ement il me fait bien rire. Il ne m’a jamais appelé, que ce soit avant, pendant, ou après le projet Dakar ! Mieux encore, il n’a même pas mon numéro de téléphone. Ce n’est pas un vrai patron d’écurie tout simplement. Il faut balayer devant sa porte avant de jeter la pierre sur moi. Dans toutes les autres équipes, notre duo fonctionna­it à merveille. Ils ne sont juste pas au niveau. Chez Peugeot on avait  pages de présentati­on avant un Dakar. Avec eux, il y en avait , dont  sur la Covid, c’est dire…

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Avec leur voiture c’était du tourisme plus qu’autre chose ”

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Hier soir, on s’est même fait un apéro FaceTime avec Seb ”

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Daniel Elena n’est pas mort, et encore moins fini”

Est-ce que vous comptez rebondir avec un autre pilote ?

Non, pas le moins du monde. J’ai eu des propositio­ns aujourd’hui pour tout vous dire, mais je n’en veux pas. Comme j’ai toujours dit dans ma carrière, le jour où Seb arrête, j’arrête. Et s’il veut continuer avec moi dans une autre équipe, je signe immédiatem­ent. Ma motivation se trouvait dans la force de notre binôme et de notre relation.

Pendant 23 ans, vous avez été dans l’ombre de Sébastien Loeb… Copilote est une place à part dans ce sport ?

C’est logique, mais moi je suis copilote parce que j’ai cette passion du sport automobile ancrée en moi. Je suis né, et j’ai grandi avec le rallye Monte-Carlo, mais aussi la F. J’ai eu une chance énorme de vivre de cette passion.

Vous étiez parti en  avec l’objectif d’être le premier Monégasque à remporter le Dakar…

Je suis Monégasque et fier de l’être. On m’a toujours dit que j’étais Français, et je répondais que mes couleurs étaient le rouge et le blanc. C’était un rêve de ramener le Dakar à Monaco. Mais ne vous inquiétez pas, Daniel Elena n’est pas mort, et encore moins fini.

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 ?? .(Photo Jean-François Ottonello et Instagram) ?? Le duo Loeb-Elena lors du rallye Monte-Carlo WRC, en 2020
.(Photo Jean-François Ottonello et Instagram) Le duo Loeb-Elena lors du rallye Monte-Carlo WRC, en 2020

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