L’art de l’ellipse
En dire peu pour ne pas prendre le risque de se contredire : c’est l’art de l’ellipse. On pense avoir entendu ce qui n’était que sous-entendu. Illustration : « pas de mesure supplémentaire » pour la région Sud a déclaré hier Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement. Donc, pas de weekend confiné supplémentaire pour la bande littorale des Alpes-Maritimes ? Oui, enfin non...
Quelle que soit la décision annoncée ce soir par le Premier ministre, le gouvernement aura beau jeu de rappeler que ce qui n’a pas été dit n’a pas été dit, mais que l’on devait prendre pour acquis ce qui n’était que sous-entendu. Vous suivez ? Mieux vaut ça qu’encourager les Français à se vacciner à l’AstraZeneca le dimanche, à annoncer son retrait provisoire le lundi, à réclamer sa dose pour montrer l‘exemple le mardi, dans une infernale danse de Saint-Guy du couple exécutif qui donnerait le vertige aux milongueros, les rois du tango argentin.
Les Français ne sont pourtant pas les maîtres du pas de deux : l’organisation mondiale de la santé «estime que la balance risques/bénéfices penche en faveur du vaccin d’AstraZeneca ». Du moins, «pourle moment ». Très rassurant, vraiment. C’est le drame de la technocratie. Elle dit ce qui est, sans précaution, sans affect particulier. Et s’étonne de provoquer la confusion quand elle prétend chercher la précision.
Imaginons les conséquences de cette période truffée de demi-décisions et de semirenoncements, pour les fonctionnaires du monde entier, en particulier les français. D’ordinaire, leur quotidien est rythmé par les procédures, les allers-retours des parapheurs, tampon, signature, re-tampon, re-signature. Un monde qui peut sembler désuet mais qui entretient précautionneusement les rouages de la République.
Cette communauté de plusieurs millions de personnes déteste travailler dans l’urgence, parce qu’elles redoutent le faux pas, l’erreur, l’oubli, qui véroleraient l’arrêté ou le décret tout entier. Or, depuis un an, pas une semaine sans que les règles changent. La cadence - je l’écris sans la moindre ironie - est infernale.
On aimerait l’administration plus transparente, plus réactive, plus interactive, en ces temps de pandémie. Mais elle a d’autres soucis. Notamment celui de tenir la boutique France. Et c’est du travail.
« On aimerait l’administration plus transparente, plus réactive, plus interactive, en ces temps de pandémie. »