Monaco-Matin

Paul Sollacaro : « Expulser un avocat est illégal »

L’avocat corse du barreau de Nice, sorti par les forces de l’ordre d’une audience correction­nelle à Aix, le 11 mars, a manifesté hier. Il a déposé plainte et livre sa réaction avec recul.

- STÉPHANIE GASIGLIA sgasiglia@nicematin.fr

Le 11 mars, Paul Sollacaro est sorti par les forces de l’ordre d’une audience en correction­nelle à Aix sur demande du président. Depuis, l’avocat corse du barreau de Nice a déposé une plainte et, derrière lui, toute la profession gronde. Le Premier ministre a annoncé la saisine de l’inspection générale de la justice et les résultats de l’enquête de fonctionne­ment seront rendus dans 15 jours. Le président du conseil national des barreaux, le bâtonnier du barreau de Paris et la présidente de la conférence des bâtonniers ont écrit à Éric Dupond-Moretti. Et les avocats, unis derrière Paul Sollacaro, ont manifesté hier, à Aix et à Nice.

Êtes-vous toujours aussi en colère ?

Avec le recul, c’est de plus en plus choquant ! J’ai l’image de la police qui me vient dessus qui ne me quitte plus. Et tout ce qui s’est passé depuis est impensable. Ce président a commis en deux jours toutes les fautes qu’un magistrat ne doit pas commettre dans toute sa carrière. À commencer par la plus grave, l’expulsion manu militari d’un avocat en robe.

Selon le communiqué du procureur d’Aix, vous avez été virulent et le président du tribunal, Marc Rivet, a légitimeme­nt fait usage de son « pouvoir de police »...

C’est choquant humainemen­t de la part du Procureur car il n’a pas eu, sur place, cette attitude avec nous. Pas une seule fois il n’a dit au bâtonnier d’Aix, “Sollacaro a eu des propos virulents, il a débordé, il a fait n’importe quoi”. Jamais ! C’est un communiqué à chaud, dicté, et qui intervient parce qu’ils ne s’attendaien­t pas à ce que ma plainte soit une plainte pénale. Cette expulsion est scandaleus­e et surtout illégale. Jean Michel Hayat, le président du tribunal judiciaire de Paris, après un incident identique, il y a quelque temps, l’avait d’ailleurs dit : expulser un avocat dans l’exercice de son métier est illégal !

Même type de communiqué, même arguments contre vous de la part du premier président du tribunal judiciaire d’Aix...

Il fait une erreur monumental­e, une erreur politique. D’ailleurs, ça a provoqué l’indignatio­n, la colère des confrères, de tous ceux qui portent une robe.

C’est du corporatis­me ?

Surtout pas, ce n’est pas les avocats contre les magistrats, bien au contraire. Ce sont les avocats - et même de nombreux magistrats contre ce magistrat. Il s’agit de défendre l’État de droit. Parce que ce qu’il dit est faux sur la réaction que j’aurai eue, parce qu’il relaie des mensonges. Ensuite parce que ça légitime quelque chose qu’on ne peut pas légitimer : une agression physique. C’est pour ça que le rassemblem­ent a été organisé à Aix pour protester sous ses fenêtres contre un communiqué qui essaie de faire croire qu’il est normal en France au e siècle qu’on sorte d’une enceinte judiciaire un avocat en robe par la force.

Qu’aurait dû faire Marc Rivet pour régler le problème ?

Tous les incidents - quel que soit l’incident - se règlent de cette manière. Pour dégoupille­r : il faut suspendre l’audience, appeler le bâtonnier, aller parler dans la salle des délibérés et apaiser les esprits.

Vous aviez déjà croisé ce magistrat ? Vous aviez un passif ?

Dans mes souvenirs, je n’ai jamais eu affaire à lui, mais son nom me parle, je sais que c’était un magistrat de la Jirs - juridictio­n interrégio­nale spécialisé­e je sais quel dossier il a traité, je sais qu’il connaissai­t mon père () et qu’ils se sont portés la contradict­ion au palais de justice plusieurs fois. C’est l’enquête qui expliquera pourquoi il en est venu à de telles extrémités. 1. L’enquête sur l’assassinat en 2012 d’Antoine Sollacaro, figure du barreau d’Ajaccio dont il a été le bâtonnier, avait été confiée à la JIRS de Marseille, alors même que l’avocat avait souvent dénoncé les méthodes de cette juridictio­n. Paul Sollacaro avait demandé une enquête parlementa­ire sur le fonctionne­ment de la JIRS. Il estimait que le choix de cette juridictio­n était « une insulte » pour sa famille.

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(Photo DR) Une manifestat­ion de soutien à Paul Sollacaro, ici sur la photo, et en réaction au communiqué du premier président, s’est tenue à Aix, hier après-midi.

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