Monaco-Matin

Wilfrid Bricourt ,pourles beaux yeux de la Roya

Roya au coeur Ce Vauclusien de 51 ans, sous le charme de la vallée, y vient presque tous les week-ends pour organiser des chantiers de reconstruc­tion et y refaire fleurir l’espoir

- YANN DELANOË

Sur de nombreuses lèvres des habitants de la vallée de la Roya, un « Monsieur du Vaucluse » , qui « vient aider tous les week-ends ». Quand ils l’évoquent, leurs yeux brillent. Mais qui est ce mystérieux héros de leur quasi quotidien ?

Depuis son premier convoi en camionnett­e chargée de vivres depuis le Vaucluse vers la vallée de la Roya, Wilfrid Bricourt, président de l’associatio­n d’aide aux sinistrés, n’a pas seulement, avec les bénévoles qui l’entourent, oeuvré pour réparer les dégâts matériels. Il a aussi, bricolé pour rafistoler les âmes brisées, les esprits usés, les coeurs abîmés des habitants sinistrés de la vallée.

« Quand on a vu ce qui s’était passé, on s’est dit qu’on ne pouvait pas en rester à un seul voyage… Alors on est revenus… » Pratiqueme­nt tous les week-ends. Avec des pelleteuse­s, des camions, des bénévoles, et des mots de réconfort. Un souffle d’espoir pour les sinistrés.

Seul son petit accent chantant trahit son origine vauclusien­ne, lui qui habite le village de Camaret-surAygues, dont il est le responsabl­e du service Enfance et jeunesse. Mais la Roya est loin de lui être étrangère. Il y a environ 25 ans, il était venu y travailler. Directeur du centre de l’USBTP de Breil pendant un an, il ne l’a plus jamais vraiment quittée. « Même si j’en suis parti, j’y suis revenu tous les ans. Car je suis aussi moniteur de canyoning. Alors chaque été, je viens, j’emmène des amis, pour leur faire découvrir le coin… La vallée des Merveilles, Castérino, il y a des trésors partout, dans les environs… »

« Plus qu’un choc… »

Voir la vallée, dont il était sous le charme, dévastée après la tempête, l’a touché. « Ça a été plus qu’un choc… Mon rêve, c’était d’amener un jour mes enfants, qui ont 5 et 7 ans, découvrir ces joyaux… Ce n’est plus possible. Ça n’existe plus. Dire que dès 8 ans, j’aurais pu y amener mon fils… Il s’en est fallu de peu. Maintenant, il faudra au moins 30 ans avant que ça se repurge… » Il se console avec ses souvenirs de randonnées et de camping dans la vallée des Merveille, avec sa petite famille. Et, à son échelle, il s’attache à estomper les balafres de sa vallée de coeur et de ses habitants. Après son premier voyage avec 4 camions trafic pour distribuer 30 m3 de produits non périssable­s et de première nécessité, c’est avec des camions bennes et des mini-pelleteuse­s qu’il était revenu un weekend, avec d’autres bénévoles du Vaucluse, notamment des conducteur­s d’engins, et grâce à des moyens de sa commune de Camaret-sur-Aygues. « C’était une grosse logistique, coûteuse. Depuis, on fait différemme­nt. On vient, on loue les engins sur place grâce à nos partenaire­s, notamment la Croix-Rouge et le Secours populaire, et on travaille. On déblaye, on refait des pistes… »

Au départ, ce sont des amis de la Roya, qui n’avaient plus d’accès chez eux qui l’ont sollicité. « Il fallait refaire une passerelle. Ce n’était pas évident. Le lit du cours d’eau, de 5 mètres au départ, en faisait désormais 50. Sur la route, avec un pompier avec qui je m’entendais bien, on s’est lancé un défi. Je lui ai dit : Trouve-moi un hélico, et moi je te trouve les engins. » Aussitôt dit, aussitôt fait. Wilfrid et des amis conducteur­s d’engins rappliquen­t le week-end suivant avec camions et pelleteuse­s. « Finalement, on n’a pas eu besoin de l’hélico… Car le pont existait encore, il était juste sous des tonnes de pierres ». Avec le Smiage, le pont et la piste sont refaits. Et ça a fait écho dans la vallée. «Çanousaunp­eu mis en lumière par rapport aux autres sinistrés… Qui nous ont sollicités ». Tout était lancé. Comment ne pas dire oui ? Wilfrid

“semé On a juste quelques graines... ”

enchaîne les week-ends et les chantiers avec d’autres bénévoles, notamment ceux des Week-ends solidaires. Ils déblaient des tonnes de glaise pour rendre caves et jardins aux habitants du quartier de l’Isola à Breil. Ils refont une piste de 2,5 km qui permet à deux octogénair­es de la Louba à Fontan, enclavés, de sortir de chez eux sans encombre. Dans son élan, Wilfrid entraîne la moitié de son village dans cette vague de solidarité. La municipali­té, des gens des services techniques et des espaces verts qui donnent de leur temps et de leurs moyens, le comité de jumelage de la commune, mais aussi les enfants des centres de loisirs, qui peignent des dizaines de pots en terre de toutes les couleurs.

Car entre-temps, une idée a bourgeonné dans la tête de Wilfrid : celle d’un appel au don de végétaux, fleurs, arbres, arbustes, plantes, plants de légumes, etc. pour redonner vie aux jardins des sinistrés, à l’approche du printemps.

Chantiers... et fleurs

« Face à l’ampleur des dégâts, ce n’est pas la première dépense que font les sinistrés… Alors ce geste, ça leur permet de retrouver le sourire, de se projeter à nouveau chez eux, de se réappropri­er vraiment les lieux… » Samedi dernier, des centaines de végétaux, d’arbres fruitiers, de fleurs, dans les pots colorés peints par les enfants, ont redonné vie au village de Breil et aux jardins de ses sinistrés. Grâce à des dons venus de la France entière, et même de l’étranger.

Une opération qui se poursuivra le week-end du 24 avril du côté de Tende. Une fleur faite à la Roya ? « On a juste semé quelques graines. Et ça a poussé… »

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Monaco