Vallées : les assurances à la traîne
Tempête Alex. Six mois après, les sinistrés peinent à se faire indemniser par leurs assureurs. Une situation que dénoncent les maires et le préfet Xavier Pelletier.
Routes effondrées, maisons fracassées… Les dégâts de la tempête Alex sont lourds. Le conseil départemental a estimé qu’il faudrait plus d’un milliard d’euros pour tout reconstruire. Et 210 millions d’euros pour réparer les biens assurés, selon la Fédération française de l’assurance. Des fonds d’urgence ont été débloqués jusqu’à l’échelle européenne pour aider les vallées. Depuis six mois, les collectivités sont à pied d’oeuvre pour rétablir les accès routiers. Les bénévoles aussi passent leur week-end à déblayer. Mais les compagnies d’assurances, elles, rechignent à indemniser les sinistrés.
« Elles se défaussent sur les pouvoirs publics »
« Je suis sollicité chaque jour par des administrés qui ne parviennent pas à obtenir de prise en charge, alerte Sébastien Olharan, le maire de Breil-sur-Roya, dans un communiqué. Leurs assureurs se défaussent sur les pouvoirs publics. »
Au téléphone, il précise : « Ils attendent que l’État statue sur l’avenir des biens situés en zone inondable. Mais ça ne les regarde pas ! Elles doivent indemniser les propriétaires sur la base d’une reconstruction à l’identique et verser une somme correspondant à la valeur du bien la veille de la catastrophe. Le fonds Barnier [fonds de prévention des risques naturels majeurs, NDLR] vient en complément de ce que versent les assurances. Il ne s’y substitue pas. »
À Saint-Martin-Vésubie, le premier adjoint en charge de l’urbanisme,
Alain Jardinet, partage le constat. « Quand une maison est totalement détruite, l’assurance indemnise le bâti et le fonds Barnier le terrain. Or, beaucoup de sinistrés attendent d’être fixés sur leur sort, avec la sortie du “porter à connaissance” [le document qui définit les nouvelles zones inondables]. Les autres sont dans l’attente du déblocage du fonds Barnier. »
« Les gens commencent à s’impatienter »
« Les gens nous pressent pour reconstruire vite, poursuit l’élu, car leur barème d’indemnisation est plus avantageux quand on reconstruit dans les deux ans. Le problème, c’est que nous n’avons pas beaucoup de terrains constructibles... On fait le maximum pour que le PLUm [plan local d’urbanisme métropolitain] soit révisé au plus vite. Mais au mieux, cela prendra dix-huit mois. ll y a des délais législatifs incompressibles. Même dans ce contexte. Or, on n’est pas en mode normal ; on est en mode catastrophe ! »
Et d’ajouter : « Les gens commencent à s’impatienter. C’est logique. » Une réunion publique devrait être organisée « dès que les conditions sanitaires le permettront ».
Le préfet déplore un manque de bienveillance
Xavier Pelletier, le préfet délégué à la reconstruction des vallées, est au fait de ces manoeuvres dilatoires. Et les déplore : « Je trouve que beaucoup de compagnies ne manifestent pas suffisamment de bienveillance
vis-à-vis des sinistrés. Il ne faut pas généraliser : certaines jouent le jeu. Mais d’autres jouent la montre. Elles ne sont pas à la hauteur de l’événement. Cela dépend des compagnies et des agents. Après un événement aussi destructeur, il faut manifester de l’attention à des sinistrés dans la détresse... » Le préfet promet que les cas problématiques seront systématiquement remontés à la Fédération française des assurances. « Après, un médiateur peut intervenir. Et parfois, cela va au contentieux. »
Double peine et inquiétude sur l’avenir
« C’est la double peine pour les propriétaires qui ne savent pas ce que va devenir leur maison et s’ils vont être un jour indemnisés, regrette Sébastien Olharan. Les collectivités locales ont engagé des moyens considérables, les assurances doivent jouer le jeu et remplir leurs obligations envers les sinistrés. » Et de conclure : « Si elles ont cette attitude maintenant, qu’est-ce que ce sera à l’avenir ? Les personnes qui vivent en zone inondée seront-elles assurées ou jetées comme c’est arrivé à certaines personnes, à Breil, juste après la tempête ? C’est un gros sujet d’inquiétude. »