Le choix de garder une trace de chacune des époques
Un choix audacieux a dû être fait pour la restauration du monastère, et plus précisément de son église : celui de laisser cohabiter des éléments de chacune des époques qui ont marqué l’histoire du bâtiment.
« L’idée c’est qu’un peu de tout apparaisse. Les médaillons du XVIIIe siècle, le faux marbre du XIXe. Les frises qui datent d’encore après. C’est d’une certaine manière un palimpseste révélé. On voit tous les états », indique Antide Viand. Précisant que le nécessaire a été fait pour conserver une harmonie, tout en gagnant en lisibilité. La restauration contemporaine, en plus de permettre la conservation, vise en effet à faciliter la compréhension des oeuvres. Contrairement au site Cap moderne, à Roquebrune, un conseil scientifique n’a pas été nommé pour valider les choix, mais les décisions n’en demeurent pas moins collégiales. Avec, notamment, la prise en compte des observations de l’architecte en chef des monuments historiques, Antoine Madelénat.
L’une des principales missions aura été de dégager la polychromie d’origine. « Il y avait beaucoup de repeints (ajout de peinture, N.D.L.R.) dans l’église. Les médaillons sur lesquels figurent des personnalités franciscaines, par exemple, étaient badigeonnés », souligne Antide Viand. Montrant du doigt des scénettes qui avaient été masquées.
Quant au retable, il était tout simplement noir. «Onnevoyaitquela carnation. Ce qui donnait le sentiment étrange que des taches blanches surgissaient. » Dans les années 60, des ornements du retable ont été volés. Aussi l’équipe de restaurateurs a-t-elle dû les refaire d’après photo. En y appliquant une légère patine pour que le rendu ne fasse pas trop neuf.
« Les grenades et les visages, par exemple, ne sont pas d’origine. Il manquait des anges, aussi, ce qui posait la question de savoir ce que faisait cette couronne toute seule », enchaîne Antide Viand. La superbe marqueterie a également été restaurée. De même qu’un éclairage a été installé pour valoriser le maître-autel retrouvé. « En septembre, il restera à traiter les parties ajourées du retable. Elles seront jaune d’or, ce qui renforcera la lumière. »
Sur les pattes d’accrochage encore à nu, l’un des chemins de croix les plus anciens des AlpesMaritimes regagnera par ailleurs sa place. « Il faut se dire que jamais personne n’a vu l’église comme ça. La manière dont elle a été restaurée donne un ensemble harmonieux, insolite et inédit », s’exclame le guide Francesco Scarrone, particulièrement admiratif du maître-autel, qu’il considère comme un petit chef-d’oeuvre de mouvement.
« Autrefois, les tableaux ou les sculptures étaient un instantané. Chaque personnage est en mouvement si on observe bien…»