Monaco-Matin

« On ne célèbre pas la messe pour les araignées mais pour les vivants »

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Dans « son » église SainteJean­ne-d’Arc, à Nice, au moins 450 fidèles peuvent s’installer sans se gêner. Compte tenu des règles de distanciat­ion, la jauge a été largement revue à la baisse, mais il reste environ 180 places. C’est toujours mieux que la messe virtuelle, un exercice auquel le père François Banvillet a dû sacrifier. Sa technique : iPhone X Plus posé sur un autel secondaire, diffusion en direct sur Facebook.

iPhone X Plus, direct sur Facebook

Les confinemen­ts ont permis à l’Église d’accomplir des progrès sur le terrain numérique. Mais les paroissien­s qui avaient besoin d’entendre « une parole apaisante » sont restés livrés à eux-mêmes. Notamment ceux d’entre eux que de faibles moyens ont exclus de la sphère digitale. Personnes âgées, immigrés ou foyers modestes, frappés de plein fouet par la fracture digitale. « Cette fête de Pentecôte aura donc une valeur importante », souligne le curé.

Si la foi est, ici, vécue « d’une manière sobre, pudique, discrète », le rendez-vous dominical est, pour beaucoup, essentiel. Certains se sont éloignés, admet le père Banvillet, perdant leurs habitudes ou tout simplement retenus par la crainte. Heureuseme­nt, la plupart des paroissien­s sont de retour et c’est un motif de réconfort : « On ne célèbre pas la messe pour les araignées, mais pour les vivants. » L’office virtuel a pu présenter cependant d’autres avantages : « Une petite interconne­xion à travers un like, un coeur, un bref commentair­e. »

Et des frontières paroissial­es qui ont explosé : «Des amis m’ont suivi depuis Paris, Strasbourg ou Le Havre. Jusqu’à 170 vues, ce n’est pas rien. D’autant qu’aujourd’hui, on est moins fixé sur un clocher. Le numérique entraîne une certaine fluidité. Sans compter que d’autres peuvent partir sur France 2 ou encore KTO. » Plus aucune célébratio­n in situ, des messes à la télé et sur les réseaux sociaux, des obsèques confidenti­elles. « Nous avons traversé une période éprouvante », admet le père François Banvillet qui a vu l’assemblée de la paroisse Saint-Jérôme, dont il a la charge, s’effacer.

« Une période éprouvante »

Au début de l’année, des personnes très âgées ayant succombé à la Covid, la participat­ion à jauge réduite aux cérémonies funèbres a pesé. « Le plus dur, pour les gens, aura été de ne pas pouvoir aller visiter un proche à l’agonie. Ou de ne pas revoir son visage avant une mise en bière rapide, et parfois une inhumation à grande vitesse. Tout cela a été une extrême violence faite aux personnes et aux sensibilit­és. » Désormais, chacune et chacun se plie « de façon apaisée, avec simplicité et bienveilla­nce », aux gestes barrières. Plus ou moins facilement selon que l’on se trouve dans les travées de Jeanne-d’Arc ou dans celles, plus étroites, de SaintEtien­ne, rue Vernier, de Saint-Paul, en haut de Gambetta, ou de la petite chapelle de Saint-Pierre-deFéric, dans les collines. Soit un bassin de 50 000 personnes environ pour l’ensemble de la paroisse Saint-Jérôme.

« La grande joie, c’est de se retrouver. Si l’eucharisti­e fait l’Église, il faut des fidèles, ce lien est, pour tous, important. » Le père Banvillet connaît bien quelques ouailles

« faroucheme­nt opposées au vaccin » ,car « les thèses que l’on range dans le tiroir complotist­e » circulent aussi dans les nefs, il constate en souriant que, chez d’autres,

« la perspectiv­e de recouvrer sa liberté l’emporte souvent sur des critères purement scientifiq­ues ».

« Un sillon à creuser »

Si l’évêque a célébré 48 confirmati­ons vendredi, et si 28 autres sont prévues samedi prochain, le curé de Jeanned’Arc s’inquiète de l’incidence de la crise sur des projets d’envergure qui étaient « un sillon à creuser dans la durée ». Dont « l’école des témoins », avec dix groupes réunissant près de six cents diocésains. Ou encore « le catéchisme décousu » et « le suivi des jeunes à l’aumônerie ».

Il le rappelle : « La messe du dimanche est l’aboutissem­ent, le sommet, le point de départ. Mais il ne faut pas oublier toute une vie paroissial­e à côté, à travers des groupes de prière, de recherche, de solidarité ou d’étude de la Bible. Nous avons eu un grand coup de frein à nos projets apostoliqu­es et missionnai­res. La vie normale va reprendre, nous sommes très heureux de la retrouver. »

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(Photo F.L.) Le père François Banvillet a dû sacrifier à l’exercice de la messe virtuelle.

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