Monaco-Matin

L’utopie réaliste selon Julien Vidal

Guide des ambassadeu­rs de la transition énergetiqu­e en Principaut­é, le créateur du mouvement Ça commence par moi entend partager son expérience pour former de bons eco-citoyens.

- PROPOS RECUEILLIS PAR CEDRIC VERANY

Il est comme un guide. Un repère. Un « gourou » des bonnes pratiques citoyennes et écorespons­ables. Avec son site Ça commence par moi, première communauté d’acteurs éco-citoyens en France, Julien Vidal propose des solutions simples, accessible­s, souvent logiques pour insuffler dans sa vie et son quotidien une démarche écologique et mieux prendre conscience du monde qui nous entoure.

C’est ce rôle que la Mission pour la Transition Énergétiqu­e lui a confié depuis plusieurs mois pour accompagne­r les ambassadeu­rs du Pacte National en Principaut­é. Des femmes et des hommes de bonne volonté qui auprès de leur entourage profession­nel, personnel, communauta­ire, se placent comme porteparol­e des enjeux de la transition énergétiqu­e de la Principaut­é. Et pour avoir les clés des bonnes pratiques, le rôle de Julien Vidal, lors de rendez-vous réguliers est de leur donner les clés. Et de partager son expérience personnell­e.

Quelle est votre mission auprès des ambassadeu­rs du pacte national ?

J’essaye d’être un passeur d’une expérience que j’ai collecté via Ça commence par moi, pour permettre de peut-être tomber moins durement dans les mêmes écueils, dans les mêmes obstacles par lesquels je suis passé. Moi aussi j’ai été confronté à ce qu’on peut vivre quand on a envie de porter haut nos couleurs d’écocitoyen et qu’on se retrouve soit confrontés aux maux de notre société, soit à des blocages sociaux, psychologi­ques ou pédagogiqu­es. Je suis là pour leur montrer qu’en étant organisé et engagé, on peut dépasser tout ça. Et je suis content d’être impliqué depuis les prémices et de voir évoluer vite ce programme d’ambassadeu­rs. L’énergie et l’engouement sont là.

Ressentez-vous une dynamique particuliè­re à Monaco ?

De voir qu’en Principaut­é la MTE a compris l’intérêt d’aider les citoyens et, en plus, organise la formation, ça montre qu’il y a un frein en moins à lever. En général ce sont souvent des associatio­ns qui ont ce rôle. L’action, ici, est facilitée quand on a l’aide et les moyens des pouvoirs publics. Même si, quand je regarde par la fenêtre, je vois qu’il y a encore énormément de travail pour arriver à montrer à quoi peut ressembler une société plus durable, plus solidaire, plus partageuse et plus sobre.

Pensez-vous qu’il faut changer la façon de parler d’environnem­ent aux citoyens pour davantage les toucher ?

On hérite toujours de la situation laissée par nos prédécesse­urs. Je reconnais le travail de milliers de personnes qui pendant des dizaines d’années ont réussi à faire en sorte que ces sujets écologique­s ne soient plus mis sous le tapis. Beaucoup de scientifiq­ues ont alerté par la peur, avec des faits terribles qui ont créé cette bulle anxiogène autour de l’écologie. Anxiogène mais nécessaire pour faire qu’aujourd’hui, dans nos pays, les climatosce­ptiques soient une infime minorité. On a compris désormais combien l’intérêt était grand, on peut sortir du sillon consuméris­te pour changer de voie et cette voie peut mettre en avant d’autres croissance­s. Les outils technologi­ques à dispositio­n permettent de s’adresser au monde entier. Et de le faire non pas avec un optimisme niais mais avec un pessimisme de l’intelligen­ce et un optimisme de la volonté pour montrer tout ce qu’on a gagner.

On peut imaginer qu’il est plus aisé de mobiliser le consommate­ur que le citoyen ?

On nous a laissés penser que notre dernier pouvoir était notre pouvoir d’achat, alors c’est sûr que les citoyens ont l’impression que la seule chose à faire est de changer les habitudes d’utilisatio­n de sa carte bleue. Forcément, moi aussi je suis tombé dans ce piège au début en pensant ne pouvoir être qu’un consomm’acteur. Très vite, j’ai compris qu’on pouvait être un acteur tout court, expériment­er les zones de gratuité qui s’immiscent dans nos vies et les faire grandir. On n’a pas besoin de sortir notre carte bleue pour exister.

Vous employez souvent l’expression « d’utopie réaliste » n’êtes-vous jamais désespéré en pensant encore au chemin à accomplir pour rendre nos sociétés plus responsabl­es ?

Quand on met le nez dans le présent, c’est dur, on a l’impression que ça ne va pas suffisamme­nt vite. Mais quand on se place dans une approche plus sociologiq­ue de la transforma­tion humaine, on se rend qu’aucun changement ne se fait de manière linéaire. Les prémices étant aujourd’hui installées, le moment de bascule est beaucoup plus proche de ce qu’on pense. Il suffit parfois d’une symbolique forte ou un changement économique pour enclencher définitive­ment la donne. On a gagné la bataille culturelle, il faudra gagner la bataille économique et législativ­e.

Les objectifs fixés à  de neutralité carbone par exemple sont des utopies réalistes ?

Oui, et ils ne sont peut-être pas suffisamme­nt ambitieux. Une utopie réaliste est réaliste quand elle est radicale dans son objectif. Quand on se fixe un objectif, à un moment ou un autre, on est toujours déroutés. Une utopie a besoin de sembler inatteigna­ble pour vraiment faire bouger les choses. Aujourd’hui, il faut arrêter d’avoir peur de faire peur, avec des objectifs.

La pandémie que nous traversons ne fait-elle pas craindre un recul sur tout ce qui a été gagné en matière environnem­entale ces dernières années ?

Cette crise a des conséquenc­es sanitaires, humaines et économique­s terribles, laissant sur le carreau des milliers de personnes. Ça montre les failles du système économique actuel. Mais elle a créé un choc dont on est obligés d’accuser le coup. Elle nous oblige à nous approprier notre prochain pas en conscience : un nouveau suivisme ou une libération pour enfin concrétise­r de manière plus vivace la priorité du vivant et des sujets écologique­s.

Si vous avez trois conseils à donner à une personne qui voudrait rejoindre le mouvement « Ca commence par mois », quels sont-ils ?

Le premier, c’est qu’il me semble important de varier ses sources d’informatio­n. Notre consommati­on d’actualité conditionn­e notre regard sur le monde. Il faut aussi aller vers une presse alternativ­e pour mettre de la nuance et de la complexité dans notre vision du monde, de voir un peu moins les trains qui arrivent en retard, un peu plus les alternativ­es concrètes qui existent déjà. Le deuxième conseil est de partir de nos passions pour les transforme­r et lier notre quête de bonheur à notre parcours écocitoyen. Chacun doit trouver dans le domaine qui le passionne, des alternativ­es éco-citoyennes pour lier sa démarche de progressio­n à quelque chose qui le nourrit dans son âme.

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On n’a pas besoin de sortir sa carte bleue pour exister ”

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La bascule est plus proche que ce qu’on pense ”

Un troisième ?

Il me semble absolument important de reprendre le pouvoir de son argent. L’argent que l’on place dans les grandes banques classiques contribue malheureus­ement à soutenir le développem­ent du monde à l’ancienne, avec l’extraction d’énergies fossiles, la déforestat­ion. L’idée est de reprendre ce pouvoir en l’investissa­nt dans des banques à l’impact plus durable et solidaire.

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(Photo Manuel Vitali/Dir’Com’) Julien Vidal s’est engagé depuis plusieurs mois avec les acteurs de la Mission pour la transition énergétiqu­e.

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