Monaco-Matin

Amnesty rend hommage aux exilés à la frontière

Dans le cadre de la journée mondiale des réfugiés, Amnesty France et Italie ont organisé ce dimanche une manifestat­ion au poste-frontière Saint-Ludovic, côté Vintimille.

- MARGAUX BOSCAGLI mboscagli@nicematin.fr

Depuis 2016, une manifestat­ion franco-italienne rassemble, chaque année, les groupes Amnesty France et Italie à l’occasion de la journée mondiale des réfugiés, fixée au 20 juin depuis 2001. Annulée l’an dernier en raison de la pandémie, la mobilisati­on avait été reconduite à ce dimanche, à partir de 14h. Hier après-midi, une quarantain­e de militants se sont ainsi regroupés à Vintimille, Piazzale Alcide De Gasperi, sur la pelouse située juste de l’autre côté du poste-frontière Saint-Ludovic, afin de « rendre hommage aux migrants morts ou blessés en tentant de passer la frontière franco-italienne ».

Des témoignage­s tragiques

En présence d’autres organisati­ons comme Médecins du Monde ou La Cimade, les militants - en majorité italiens - ont procédé à la lecture de plusieurs témoignage­s relatant les histoires de migrants refoulés à la frontière. Comme celle d’Ibrahim, 20 ans, originaire de Côte d’Ivoire, qui souffre de sérieux troubles psychologi­ques et ne peut se faire soigner au CHU de Nice en dépit des demandes insistante­s des associatio­ns. Ou encore celle de Milet Tesfamaria­m, une jeune Érythréenn­e de 17 ans fauchée par un semi-remorque sur l’autoroute A8, en 2016, alors qu’elle tentait de gagner la France depuis l’Italie. Des récits funestes similaires, les associatio­ns en recensent une multitude sur le sentier dit du « Pas de la mort », entre Grimaldi et Menton.

« 20 personnes sont décédées à cette frontière depuis 2015, martèle Philippe de Botton, ancien président de Médecins du Monde. Si nous sommes ici aujourd’hui, c’est pour témoigner, côté français comme italien, de l’inhumanité et de l’indignité de ce qui arrive aux exilés. Nous, associatio­ns, constatons jour après jour le déni de la réalité, l’état de souffrance extrême, à la fois physique et mental, dans lequel sont les exilés. »

« Des renvois illégaux et systématiq­ues »

« Remettre les droits humains au centre de la politique européenne d’immigratio­n » et « abandonner la politique de répression », voilà ce que demandent ces militants. « Il faut être pragmatiqu­e, appuie Philippe de Botton. De toute façon, on n’arrêtera pas l’immigratio­n, on ne peut pas mettre un policier derrière chaque migrant. Ils finissent toujours par passer, et ces gens-là ont besoin d’être accueillis, soignés, protégés. »

Les associatio­ns accusent notamment la police aux frontières (PAF) de«nepas appliquer les procédures relatives au droit d’asile » et de « refuser d’accueillir les mineurs non accompagné­s, renvoyant ainsi illégaleme­nt et de façon systématiq­ue les personnes concernées en Italie ».

« Il y a entre 20 et 150 refoulemen­ts par jour à la frontière, 170 en octobre 2020 ! Il n’y a aucune humanité dans la politique française actuelleme­nt » alarme un militant italien, mégaphone en main.

Une commission d’enquête à Menton

Dans une enquête publiée en mai dernier, l’ONG Human Rights Watch épinglait d’ailleurs la police française pour des expulsions de plus en plus communes à Menton, et touchant particuliè­rement les mineurs non accompagné­s, en violation du droit français et internatio­nal. Longuement demandée par les associatio­ns d’aides aux migrants, une commission d’enquête parlementa­ire portée par les députés Sébastien Nadot et Sonia Krimi vient d’être créée en France afin d’évaluer les conditions d’accueil des migrants sur le territoire national, et de mesurer l’écart entre ce que dit la loi et la réalité sur le terrain.

« Une lueur d’espoir » pour Martine Landry, militante d’Amnesty Internatio­nal et de l’Associatio­n nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé) : « On a été entendus, et on le sera à nouveau sur place, vendredi, car la commission va se déplacer à Menton. De même, j’ai observé un apaisement dans les procès en cour d’appel dernièreme­nt, du côté du parquet surtout. J’ai l’impression qu’un petit peu partout, c’est en train de se desserrer. »

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(Photo M.B.) Munis de pancartes en italien et en anglais, les militants de diverses associatio­ns ont procédé à la lecture de témoignage­s d’exilés, sur la pelouse de l’autre côté du poste-frontière.

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