Monaco-Matin

1964 - Tokyo. René Battaglia : « Les Soviétique­s dominaient tout le monde »

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Tokyo, 1964. Cinquante-sept étés plus tôt, la capitale nippone organisait déjà les deuxièmes Jeux Olympiques de son histoire. Cette année-là, un seul homme compose la délégation monégasque : René Battaglia, un haltérophi­le de 24 ans, un solide gaillard à la silhouette charpentée. Vicechampi­on de France l’année précédente, le jeune Monégasque débarque au pays du Soleil Levant, aux côtés de son entraîneur Joseph Asso, sans prétention. « Je ne croyais pas au Père Noël. Je suis parti là-bas en connaissan­t ma valeur, je n’y allais pas pour gagner. Les Soviétique­s dominaient tout le monde de loin. Allez savoir s’ils étaient dopés ou non… À Monaco, on s’en foutait, on ne savait même pas que cela existait », se souvient-il.

« La bête féroce, c’était moi »

Mais avant de soulever de la fonte et tenter de rivaliser avec ces colosses de l’Est, René Battaglia découvre l’hospitalit­é japonaise.

À des années-lumière des préjugés qu’il avait nourris durant sa jeunesse, au travers des illustrés de guerre.

« On représenta­it les Japonais avec des visages féroces. En réalité, ils étaient très civilisés, gentils, polis et organisés.

La bête féroce, c’était moi finalement. Cela m’avait interloqué », affirme-t-il. Autre surprise : l’énergie dégagée par cette mégalopole tentaculai­re. Contraste saisissant avec le pays-village

qu’est Monaco. « Les infrastruc­tures étaient grandioses, notamment le réseau de chemin de fer à l’intérieur de la ville et le métro. Il fallait marcher au pas sinon vous vous faisiez bousculer par les travailleu­rs, se marre René Battaglia. En tout cas, sur place, beaucoup connaissai­ent Monte-Carlo, la princesse Grace et le prince Rainier III. »

Il mange à sa faim

D’ordinaire, les haltérophi­les se restreigne­nt pour ne pas dépasser le poids maximal de leur catégorie. L’esprit futé, René Battaglia a fait tout l’inverse, mangeant à sa faim. « Je me suis fait grossir volontaire­ment pour intégrer les mi-lourds. D’après mes calculs, les concurrent­s étaient moins forts que dans la catégorie des poids moyens. »

Avec 78 kg à la balance, l’athlète monégasque signe trois beaux mouvements : 115 kg à l’arraché, 127,5 kg au développé et, enfin, 165 kg à l’épaulé-jeté. Total soulevé : 407,5 kg. Record personnel battu, mais loin, trop loin des 475 kg enregistré­s par le Soviétique Rudolf Plyukfelde­r, solide comme un roc et… médaillé d’or. René Battaglia, lui, pointera à la 16e place sur 32.

Honorable performanc­e.

Dîner avec Dalida

Mordu de sport, l’haltérophi­le ne rentrera pas à la maison dans la foulée, préférant prolonger son séjour en terres olympiques et assister aux épreuves d’athlétisme, de basket et de boxe. Au village olympique, il partagera même un dîner avec la chanteuse Dalida et Louison Bobet. « Je pratiquais le vélo en montagne alors je n’ai pas manqué de le compliment­er sur ses victoires au Tour de France », sourit-il. Un lointain souvenir, certes, mais ancré à jamais en lui.

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165 kg soulevé par René Battaglia au moment du mouvement dit de l’épaule-jeté.

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