Monaco-Matin

Inconsolab­le après la perte des mémoires de sa mère Mougins

Irène Job, résidente de Korian La Riviera à décédée en 2020, tenait un journal intime depuis 30 ans. Son fils Micky, auteur d’un livre sur sa vie, accuse l’Ehpad d’en avoir jeté une partie.

- SOLÈNE GRESSIER sgressier@nicematin.fr

L’histoire de sa mère n’a pas de fin. Enfin, si. Mais Micky Job ne la connaîtra jamais. La faute au coronaviru­s qui a emporté Irène Job et ses derniers mémoires au passage. Il n’en reste plus aucune trace. Plus rien qui pourrait permettre de terminer le livre qu’il a consacré à cette femme aux mille et une vies. Parce que les deux ultimes chapitres ont été jetés.

Retour en arrière

Mars 2020. La maison de retraite ferme ses portes en même temps que les frontières. Micky Job réside aux États-Unis. Son frère Stéphane, en Italie. À distance, ils apprennent la terrible nouvelle : une vague de Covid-19 submerge Korian La Riviera. Leur maman octogénair­e est touchée. Les visites ? Terminées ! Cinq jours plus tard, Irène Job est transporté­e au centre hospitalie­r de Cannes. Après avoir traversé, au cours de sa vie, l’Allemagne, la Suisse, le Royaume-Uni, la Grèce, la Libye, le Pays-Bas, l’Autriche et la France, son voyage s’arrête ici. Sur ce lit. Loin de ses fils.

De longues semaines s’écoulent. Stéphane Job pose ses valises et son chagrin sur la Côte d’Azur, le temps de récupérer les cendres de sa maman. Ses journaux intimes, aussi. Sans oublier la montre, offerte par son époux Alain dans les années 1960, ses boucles d’oreilles et son alliance en or.

Mike Job écrit un livre sur sa mère Irène depuis cinq ans.

L’établissem­ent a conseillé à mon frère de rebrousser chemin, parce qu’il n’y avait finalement aucune affaire à récupérer », s’étonne Micky Job.

«« Jetées par mégarde »

Pourquoi ? Pas de réponse. Cette question ronge Micky et Stéphane. Jusqu’au verdict.

Je crains malheureus­ement que l’entreprise que nous avions sollicitée pour effectuer le bio-nettoyage des chambres, afin de lutter contre la propagatio­n du virus, ait jeté par mégarde le carton contenant les affaires manquantes, les souvenirs de votre mère », annonce par écrit Michael Montagné, le directeur de l’établissem­ent.

«Hors d’eux, Micky et Stéphane Job demandent réparation auprès de l’assureur. Ce dernier leur réclame des factures. « La montre de ma mère a été achetée il y a trop longtemps. Et on n’a pas gardé les tickets d’achat des cahiers Clairefont­aine ! », s’indigne Micky Job. Une situation « absurde » qui désole leur avocate, Pauline BuffonMiss­offe

: « D’un point de vue juridique, il n’y a pas beaucoup de solutions… »

L’Ehpad Korian La Riviera réitère « ses profondes excuses ».« Mais il ne faut pas oublier le contexte sanitaire dans lequel nous nous trouvions », justifie le service de communicat­ion, qui reste ouvert « à la discussion ».

Le secret d’un frère caché

Les effets personnels d’Irène Job sont estimés à 2 800 euros par la famille. Ses carnets de notes, eux, valaient tout l’or du monde. Il y avait peut-être, entre les lignes, des révélation­s sur un secret de famille longtemps caché. Un frère, dont Micky et Stéphane Job ont appris l’existence il y a cinq ans seulement. Un inconnu, né d’une relation impossible avec un homme égyptien au milieu des années 1950.

« Quand j’ai appris cela, j’ai compris que je ne connaissai­s pas vraiment ma mère », souffle Micky Job. Fasciné par son histoire « complexe et brisée ».

Grâce au journal intime d’Irène Job, il a tout de même pu « comprendre trente ans de sa vie ». Mais n’a-t-elle pas emporté à jamais d’autres secrets ? Mystère.

« Mon espoir, conclut Micky, c’est que mon frère inconnu lise mon livre, se reconnaiss­e, et me contacte… »

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(Photo Dylan Meiffret)

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