Où sont passées les cigales ?
Trop bruyantes aux oreilles de vacanciers qui s’en étaient plaints, il y a quelques années, auprès de la municipalité du Beausset (Var) entre autres, elles sont, cet été, moins nombreuses.
En 2018, des vacanciers avaient prié le maire du Beausset de l’époque, Georges Ferrero, de faire taire illico presto, les cigales trop nombreuses et trop bruyantes, et ce par tous les moyens. Elles les empêchaient, affirmaientils, de dormir, de faire la sieste, de s’entendre parler. Leurs plaintes, qui n’étaient ni les premières ni les dernières, avaient suscité un tollé général. Au point que le groupe Aïoli en a fait une chanson « Touche pas aux cigales ! »
Entre trois et sept ans sous terre
Alors pourquoi sont-elles moins nombreuses, cette année, dans le Var ? Non, ce n’est pas un insecticide, largement répandu, qui a diminué leur population, pour satisfaire les estivants. En revanche, elles ont forcément subi, durant leur existence, un ou des aléas, qui ont empêché leur éclosion. Et il faut parfois remonter plusieurs années en arrière pour le comprendre. Quoi qu’ait pu écrire Jean de La Fontaine au XIXe siècle, dans sa fable La Cigale et la fourmi, cet insecte de la famille des Cicadidae, n’est pas si oisif que cela. La plus longue partie de sa vie se passe sous terre à l’état de larve – entre trois et sept ans suivant les nombreuses espèces endémiques de Provence. Sa période aérienne, durant laquelle seul le mâle chante, ne dure que quinze jours à trois semaines.
Voir le climat des années précédentes
Selon Gérard Filippi, entomologiste, « le premier paramètre, expliquant les fluctuations de la population, ce sont les conditions climatiques. Il faut un printemps avec des pluies, qui font pousser les racines des arbres, pour que la larve se nourrisse correctement, en aspirant leur sève sous terre. En cas de sécheresse, on a beaucoup moins de sève dans ces racines. » « Cela veut dire qu’il faut s’inquiéter de savoir quel était le climat entre trois et sept ans en arrière, pour comprendre pourquoi d’une année à l’autre les éclosions de cigales sont plus ou moins fluctuantes. »
Le changement climatique a une influence de plus en plus importante, sur les larves, qui mettent tant d’années à arriver à maturité.
Des millions d’oeufs détruits par le feu
Les conditions abiotiques, autrement dit les éléments physico-chimiques de leur écosystème, pèsent sur la survie de cet insecte. Et les incendies en font partie. À partir du moment où les femelles pondent, dans des tiges d’arbustes, de juillet à septembre, ce sont des millions d’oeufs qu’un feu – à l’image de celui qui vient de ravager plus de 7 000 hectares dans le massif des Maures – peut détruire. D’autant que l’incubation dure deux mois dans le végétal. De même que les jeunes larves, peu enterrées, ont certainement brûlé. Alors forcément, trois à sept ans plus tard, au moment où elles auraient dû arriver au bout de leur cycle, les cigales seront moins nombreuses. Enfin, l’anthropisation, c’est-à-dire l’urbanisation et la destruction des milieux naturels, compte pour beaucoup.
70 % des insectes en régression
Comme les abeilles, les cigales subissent une régression de leurs populations. «Les insectes, explique Gérard Filippi, ont connu une régression de leurs populations de près de 70 % en Europe. Ce sont des cortèges entiers de familles d’insectes qui se sont effondrés à cause du réchauffement climatique, mais aussi de la destruction des milieux naturels et des habitats. Les cigales en font partie mais elles ont cette chance d’avoir une capacité de reproduction exceptionnelle. »
À ces différents paramètres, s’ajoute la prédation. Hérissons, geais, guêpes... en sont friands. La vie de cigale n’est décidément pas un long fleuve tranquille !