Monaco-Matin

« Le champion, il décide »

Gilles Moretton, le nouveau président de la FFT, veut rendre son lustre à la petite balle jaune.

- Gilles Moretton : FRANÇOIS PATURLE

Il a replongé. Avec son charisme. Gilles Moretton, l’ancien 65e mondial, ancien patron de l’ASVEL Basket et du tournoi de Lyon (entre autres) avait pris un peu le large. « J’avais tout vendu et décidé d’arrêter. J’ai des enfants, des petits enfants, je profitais de la vie... J’ai fait l’Annapurna, de la moto, de la pêche à la mouche ». Mais, comme il dit, « la passion m’a rattrapé ». Elu président de la Fédération française de tennis, en février dernier, Gilles Moretton s’est promis de « rendre ses lettres de noblesse » à la petite balle jaune. Engagé dans son tour de France des Ligues, il s’est arrêté vendredi au TC des Combes à Nice. En compagnie de Pauline Parmentier, d’Arnaud Clément et du champion en fauteuil Laurent Giammartin­i, il a échangé sur le court avec plein de petits joueurs azuréens, avant de jouer la relance à nos questions.

Gilles Moretton, vous êtes un peu chez vous à Nice ?

C’est ma Ligue de coeur, plus particuliè­rement les AM. Le départemen­t où j’ai passé les plus belles années de ma vie. On a créé un groupe WhatsApp avec les amis de l’époque. Il s’appelle Nice. C’était le temps du sport étude avec Noah, Casa, Bedel, plein d’autres. Je suis arrivé à Nice à , j’avais / ans, j’y suis resté jusqu’à  ans. Nous étions à l’internat au Parc Impérial, une douzaine en dortoir dans une pièce magnifique, avec vue sur la Méditerran­ée au loin… Ensuite, je suis parti au bataillon de Joinville, la classe , mais j’ai continué à jouer pour Nice, avec les Patrice Beust, Bernard Paul... On a été champions de France et d’Europe. On a hâte, tous, de pouvoir se retrouver au Nice LTC pour fêter les  ans du club.

On vous sent heureux de pendre le pouls des clubs…

Chacun a sa sensibilit­é. Je

MORETTON EN BREF

Gilles Moretton, né le 10 février 1958 à Lyon. 1,91m, droitier. Meilleur classement à l’ATP : 65e en simple (en novembre 1981) et 55e en double. 1/8e de finaliste à Roland-Garros en 79. Créateur du tournoi de Lyon en 1985, fondateur de Gilles Moretton organisati­on, président de l’ASVEL Basket de 2001 à 2014. Elu à la présidence de la FFT le 13 février 2021 pour un mandat de quatre ans. « L’humain doit être au centre. Les clubs ont un rôle extraordin­aire ».(Photo Jérôme Galinié/FFT) ne suis pas trop un président de salon, plutôt de terrain. J’ai été élu dans ma Ligue Auvergne Rhône Alpes en faisant le tour des clubs, en les écoutant. On a été élu avec  % des voix à la FFT contre le président sortant (B. Guidicelli). Le club, c’est la dimension humaine du tennis. Et l’humain, il doit être au centre de tout.  % de nos licenciés sont là pour le tennis-loisir. Rencontrer les bénévoles, avec toute notre équipe, c’est reconnaîtr­e leur travail, apporter une marque de respect.

« On a Humbert »

Pourquoi le tennis est-il moins à la mode que dans les années- ?

À l’époque, nous n’étions pas seuls, mais pas loin. Aujourd’hui, les sports nature ont pris un essor considérab­le, le trail, le VTT, etc. Mais nous, nous avons le paddle, le beach tennis. Le tennis est un sport extraordin­aire qui reste très pratiqué, mais les gens jouent aussi de façon différente, en indépendan­ts, sur les courts municipaux. Nous vivons une époque paradoxale où les gens ne se parlent plus que sur les réseaux sociaux, alors qu’ils ressentent ce besoin de se retrouver. Les clubs ont un rôle extraordin­aire à jouer. À nous d’être à

l’écoute de nos pratiquant­s, de leur plaisir.

Comment combler le vide, l’absence d’un grand champion français en haut du tennis mondial ?

N’oublions pas tout ce que la génération qui va bientôt partir nous a apporté. Les Gasquet, Simon, Tsonga, Monfils… Ce sont des joueurs d’exception, certes, lls n’ont pas été numéro  mondial, mais on n’a pas à se plaindre. Derrière Nadal, Djoko, Federer, ce n’était pas facile. Le tennis féminin a eu plus de mal après Mauresmo mais on voit aujourd’hui la relève, avec Elsa Jacquot, Fiona Ferro, Clara Burel… Chez les garçons, on a Hugo Humbert, un joueur remarquabl­e. On peut estimer que la relève tarde un peu, mais elle est là. Cela dit, un champion, ça ne se décrète pas vraiment, et cela doit aussi rentrer dans notre réflexion.

« Leconte, il arrosait les bâches »

C’est-à-dire ?

Il faut que l’on soit capable de responsabi­liser nos jeunes. Nous sommes un pays qui assiste beaucoup, c’est un mal français, dans beaucoup de domaines. On a la chance d’avoir des clubs efficaces, une fédé très bien structurée, mais

on a peut-être cette tendance à trop accompagne­r. Or, le champion, in fine, c’est luimême qui se construit. C’est lui qui va décider, c’est lui qui a le choix. Yannick (Noah), le soir à Nice, il faisait une heure de service en plus, juste parce qu’il l’avait décidé. C’est une donnée que l’on doit essayer d’insuffler. C’est difficile. Certains ont ça dans le sang, d’autres vont suivre le mouvement.

Ce qui différenci­e le champion d’hier et celui d’aujourd’hui ?

Celui d’aujourd’hui est beaucoup plus complet. Les joueurs actuels ont très peu de défauts au plan technique. Notre génération à nous, on avait un revers chopé, on ne servait pas très bien, une volée moyenne, mais on avait des jambes, du coeur. Maintenant, ils ont tout. On ne peut pas lésiner sur la formation. Si l’on dit à un gamin de  ans,  ans, qu’il doit gagner à tout prix, il va serrer le jeu, y aller de son revers chipé… Regardez Henri Leconte : il arrosait les bâches quand il était jeune, et le jour où c’est rentré, il est devenu un top mondial. Ugo Humbert, chez les jeunes, n’était pas le meilleur, parce qu’il avait un jeu à risque. Pour les gamins, il faut privilégie­r la formation

plutôt que la sélection. Il faut élargir à la base. A  ans, dire, on prend le meilleur, et toi tu dégages, car tu es plus petit, moins puissant ? Non, c’est pas ça, la vérité est plus complexe.

Daniil Medvedev, e joueur mondial, l’air de Cannes lui a bien réussi...

Bon exemple ! Il vient ici, il était e mondial, il va chez Jean-René Lisnard, il s’entraîne avec Gilles Cervara et il lui dit, formemoi une cellule. Aujourd’hui, il y a  entraîneur­s français autour de Medvedev. Nos entraîneur­s sont bons. Luigi Borfiga (exMonégasq­ue) au Canada (Raonic, Auger-Aliassime...) va nous rejoindre à la FFT.

Qu’est-ce qui vous ferait le plus plaisir, à la fin de votre mandat ?

Voir le plus de gens possible avec une raquette. N’importe laquelle. On va

descendre dans la rue, aller sur les parkings d’hypermarch­é. Le tennis, c’est une raquette et une balle, ce n’est pas compliqué. Le beach tennis, c’est du tennis, le paddle, aussi. Vous prenez des gamins, vous les faites descendre de leur immeuble de cité, vous mettez deux chiffons de chaque côté, et on dit que c’est du foot. Et nous, pourquoi on ne met pas un élastique, on prend des balles mousses, on dessine à la craie et on ne dit pas que c’est du tennis ? C’est ce qu’on va faire, avec ‘’Fête le mur’’ de Yannick Noah.

À propos de Noah, il vous a félicité à votre élection ?

Bien sûr. On travaille ensemble sur trois domaines. ‘’Fête le mur,‘’ la DTN et la préparatio­n mentale, pour laquelle Yannick est très attaché.

Qu’est-ce qu’il avait en plus, le Noah joueur ?

La faim. Il a utilisé le tennis pour s’épanouir. Il était profondéme­nt compétiteu­r, il avait l’envie de réussir à tout prix. Le tennis a été son tremplin.

À titre personnel, vous servez toujours le plomb ?

Non, j’ai mal à l’épaule. Pas grave. Jouer avec les enfants, comme ici à Nice, c’est que du bonheur.

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