Quatre témoignages pour évoquer quatre époques
À la demande du maire, quatre grands témoins ont raconté « leur » Castillon. Dépeignant quatre époques bien différentes.
✏ Jean Raybaut :
« Je n’ai pas connu le premier village mais j’en ai souvent et longtemps entendu parler. Tous mes ancêtres y sont nés et y ont vécu », introduit le félibre, racontant qu’un matin, sa grand-mère a été réveillée par des secousses. « Elle a eu l’étrange sensation de voir les étoiles depuis son lit. On lui apprit plus tard qu’il y avait eu un tremblement de terre. » Qui impliqua un premier déplacement. « Le village était en ruine mais pas totalement détruit », glisse Jean Raybaut, lui qui a bien connu le deuxième. «Les rares véhicules qui entraient attiraient l’attention de tous. Le silence habituel changeait quand il y avait de la neige. Cela nous plaisait beaucoup », décrit-il, ajoutant dans un sourire que tout le monde était plus ou moins parent. Au point que les mots monsieur ou madame n’existaient pas. « Dans ce village, on ne parlait pas français, on parlait le castillonais. »
✏ Pierre Dental
Dans le premier village, les constructions sans chaux et sans mortier favorisaient l’irrigation. « Les pentes inhospitalières sont devenues des terres cultivées. » Le règne des pommes de terre, des haricots, du pois chiche, du blé, du seigle. Et même de la vigne. Le paradis pour les chèvres et moutons. Après des siècles de guerre et de changements de domination, Castillon redevient français en 1796. Le 23 février 1887, quatre secousses destructrices surviennent. Les Castillonnais sont contraints à quitter leur maison. « Le département compte huit victimes, tandis qu’en Ligurie, on en dénombre 640. C’est la désolation totale, le village n’est qu’amas de pierres et de gravats. Les rues sont méconnaissables. Les habitants nettoient courageusement. Mais le village est à terre, définitivement vaincu. » Il faut le reconstruire sur un autre emplacement.
✏ Mme Hugues
Le deuxième village naît à la charnière des deux siècles. Il n’y a alors pas d’eau courante. Un semblant de confort s’installe avec l’arrivée de l’électricité au début des années 1900. « L’essentiel provient de l’extérieur grâce aux marchands ambulants. » Bien que déjà très touché à son échelle, Castillon n’échappe pas aux affres de l’histoire française. La Grande guerre emporte ainsi douze Castillonnais. « Un d’entre eux s’est retrouvé dans la glaise du Chemin des dames, un autre est mort sous les obus, un a disparu avec un sous-marin dans le détroit des Dardanelles. D’autres encore meurent sous les gaz. Ceux qui reviennent traînent un sentiment de souffrance et d’injustice » ,expose Mme Hugues, très émue. Le chantier du fort de Castillon démarre en 1930, sur le rocher où se trouvait le premier village. Et c’est bien sa présence qui précipite la destruction du 2e village. « Castillon, qui vient à peine de se reconstruire, subit de nouveau le malheur. » En 1940, l’ouvrage défensif permet de repousser l’assaillant italien. Après l’armistice entre la France et l’Italie, les habitants reviennent au village. Et se tournent encore vers la terre pour survivre. En septembre 43, la Résistance s’organise contre les Allemands. Avec, notamment, un groupe de 26 Sospellois, 8 Castillonnais, 2 Moulinois. De violents combats opposent les forces américaines et canadiennes aux Allemands. « Face à l’impuissance de la force terrestre, le choix se porte sur l’artillerie de marine. Une décision qui scelle le sort du village – victime d’un déluge d’obus. » Les dizaines de Castillonnais qui restaient sont de nouveau évacuées. « Le village est dévasté. Comme un symbole, seule l’église dispose encore de quatre murs. » Une seconde fois, les habitants sont contraints de tout reconstruire.
✏ Alicia Chantreau.
Castillon ne compte plus que 37 habitants. Son précédent emplacement étant devenu inconstructible, Castillon le neuf est bâti 3km plus bas. La renaissance débute en 1946. Le 22 octobre 1951, grâce à l’aide de Beausoleil et de la SBM, un nouveau village voit officiellement le jour dans un style néo provençal. « SaintJulien, le patron du village, donne son nom à la nouvelle église en 1952. » Mais après l’exode lié à la destruction, c’est l’exode rural qui sévit. Le projet « Castillon renouveau » impulse une marche en avant, marquée par l’inauguration des arcades du Serre en 1988. Aujourd’hui, le village compte 416 habitants. Et de nouveaux équipements. Ainsi que des perspectives d’avenir, pourquoi pas, dans la permaculture.