Monaco-Matin

Chasse au chamois : « Ça va être du tir au pigeon » haut pays,

Constatant un manque de renouvelle­ment des chamois dans le la fédération de chasse a décalé la période de tir qui reprend demain. Mais une associatio­n estime ces mesures insuffisan­tes.

- ANTOINE LOUCHEZ alouchez@nicematin.fr

Le saviez-vous ? La chasse au chamois reprend demain dans les Alpes-Maritimes… et ça ne plaît pas à tout le monde. À la base, elle était ouverte du 12 septembre au 29 novembre. Mais la préfecture a validé une demande de modificati­on de la fédération des chasseurs : après avoir été suspendue le 12 novembre, elle reprendra du 12 décembre au 9 janvier, nouvelle date de clôture. L’associatio­n Vigilance Mercantour conteste cette décision et a déposé un recours gracieux. Cette suspension est liée à la période de rut (la reproducti­on) de cet animal de montagne, présent sur 91 des 163 communes du départemen­t. Le chamois n’est ni menacé, ni protégé, ni à réguler (il ne crée pas de dégâts, comme peut le faire par exemple le sanglier).

La population peine à se renouveler

Classé grand gibier, il est tué uniquement par loisir. Mais le constat dressé par le plan de chasse (schéma départemen­tal de gestion cynégétiqu­e) est là : touchées par des épidémies et des hivers rudes à la fin des années 2000, les population­s de chamois peinent à redécoller.

« On a un faible taux de renouvelle­ment de la population », répond Jean-Pierre Caujolle, président de la fédération départemen­tale des chasseurs. Lui blâme « des facteurs climatique­s », et surtout « la prédation du loup sur les jeunes ». «Je ferme pendant un mois, pour permettre une reproducti­on correcte. Sachant que ce n’est pas une décision définitive. On essaie d’améliorer la situation. On verra s’il y a un impact sur les comptages l’an prochain. S’ils sont moins bons, peut-être qu’on arrêtera de chasser les jeunes. »

Pour l’asso écolo : « Une chasse au trophée déguisée »

Pour Vigilance Mercantour, ces dates ne servent qu’à faciliter la pratique. Chaque année, seuls deux tiers des « attributio­ns » (quota maximal de chamois qui peuvent être tués) sont atteints, preuve, selon l’associatio­n, que les chasseurs peinent à trouver des chamois. Avec les nouvelles dates, rabattus par la neige et fatigués par le rut, les chamois seraient plus accessible­s et plus faciles à abattre.

« C’est presque du tir au pigeon, dézingue un des plaignants. Les chasseurs vont surtout s’intéresser aux plus beaux mâles reproducte­urs, qui portent de très belles cornes. C’est une compétitio­n aux trophées déguisée, au détriment du renouvelle­ment de l’espèce. » Plus largement, ils remettent en question ce loisir. Le nombre de jours de chasse est en augmentati­on, alors que les quotas ne baissent pas et que d’autres départemen­ts ou encore la Suisse sont plus restrictif­s. « Le chamois est trop chassé ici, la population va continuer à décroître, et on va tranquille­ment mettre ça sur le dos du loup. »

« Ces gens ne savent pas de quoi ils parlent »

Le patron des chasseurs du départemen­t estime que « ces gens ne savent pas de quoi ils parlent ». « C’est l’inverse, c’est bien plus facile de tuer des chamois pendant le rut, les mâles sont complèteme­nt fous. Et avec un mètre de neige, beaucoup de chasseurs ne monteront pas. Selon les comptages, il y a environ 20 000 chamois dans le départemen­t. Les chevreaux ne représente­nt que 15 %, alors qu’ils devraient être 40 %. Moi, gestionnai­re, je dois faire quelque chose. » Il avance, au contraire, que de nombreux départemen­ts français prennent cette mesure. Et que certains clôturent la chasse le 28 février : « On n’est pas les vilains petits canards. » Baisser les quotas ? Pas besoin, les chasseurs se régulent très bien d’eux-mêmes. Alors pourquoi faudrait-il arrêter cette pratique ? « Ce sont les loups qui mettent en péril la faune sauvage, ce ne sont pas les chasseurs. »

Quelles données scientifiq­ues ?

Au milieu de tout ça, sur quelles données scientifiq­ues s’appuyer ? Le parc du Mercantour, qui effectue les comptages, a refusé de « commenter une décision de la préfecture ». Jean-Pierre Caujolle mais aussi la préfecture soulignent que cette décision a reçu un avis favorable de la commission départemen­tale de la chasse et de la faune sauvage, composée notamment de scientifiq­ues et de défenseurs de l’environnem­ent.

Dans les faits, face aux différente­s organisati­ons et syndicats de chasse et d’agricultur­e, ils sont deux. «Ilya possibilit­é de s’exprimer, mais on est ultra-minoritair­e et tout le monde est chasseur, répond Maurice Boet, membre de l’Associatio­n des naturalist­es des Alpes-Maritimes. Mais c’est quand même sérieux. Je ne pense pas que le chamois soit menacé. Il y a un bon suivi de tout ce qui est population, la gestion est faite correcteme­nt. Après, chasse ou pas chasse, c’est un autre débat. »

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