Monaco-Matin

La France ouvre ses archives sur la guerre d’Algérie

C’est la décision surprise – cela n’était prévu que dans 15 ans – annoncée par la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot. Cela concerne les enquêtes de police et gendarmeri­e.

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Pour « regarder la vérité en face » sur la guerre d’Algérie, la France a décidé d’ouvrir «avec 15 ans d’avance » des archives clés de l’époque, a annoncé hier le gouverneme­nt, poursuivan­t la politique des « petits pas » amorcée par Emmanuel Macron.

« On a des choses à reconstrui­re avec l’Algérie, elles ne pourront se reconstrui­re que sur la vérité », a défendu sur BFM TV la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, peu après avoir annoncé l’ouverture des « archives sur les enquêtes judiciaire­s de gendarmeri­e et de police » en rapport avec la guerre d’Algérie (1954-1962).

« Construire une réconcilia­tion »

« Je veux que sur cette question – qui est troublante, irritante, où il y a des falsificat­eurs de l’Histoire à l’oeuvre – je veux qu’on puisse la regarder en face. On ne construit pas un roman national sur un mensonge », a-t-elle argué. « C’est la falsificat­ion qui amène toutes les errances, tous les troubles et toutes les haines. À partir du moment où les faits sont sur la table, où ils sont reconnus, où ils sont analysés, c’est à partir de ce moment-là qu’on peut construire une autre histoire, une réconcilia­tion. » Cette déclaratio­n intervient deux jours après la visite à Alger du chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, destinée à désamorcer une crise d’une rare gravité entre les deux pays en cours depuis plusieurs mois. Interrogée sur les conséquenc­es de cette décision, notamment sur la possible confirmati­on à venir d’actes de torture commis par l’armée française en Algérie, « c’est l’intérêt du pays que de le reconnaîtr­e », a ajouté Mme Bachelot.

Cette annonce s’inscrit dans la politique de réconcilia­tion mémorielle initiée par le chef de l’État, Emmanuel Macron. Le 13 septembre 2018, il reconnaiss­ait que la disparitio­n du mathématic­ien et militant communiste Maurice Audin, en 1957 à Alger, était le fait de l’armée française et promettait à sa famille un large accès aux archives.

Des plaies encore vives

« Quand Emmanuel Macron a rendu justice sur l’affaire Audin, il avait ainsi mis la France en face de la vérité », a rappelé Mme Bachelot. « On ne doit jamais avoir peur de la vérité, il faut la contextual­iser. [...] Mais il faut la regarder en face », a-t-elle ajouté. Le 9 mars 2021, poursuivan­t sa politique de « petits pas », le chef de l’État avait annoncé une simplifica­tion des accès aux archives classifiée­s de plus de 50 ans, permettant d’écourter les délais d’attente.

Cette décision s’inspirait du rapport Stora sur la question mémorielle entre l’Algérie et la France, qui préconise une ouverture et un partage des archives coloniales sensibles entre Algériens et Français, conservées aux Archives nationales d’Outre-Mer à Aixen-Provence. Soixante ans après la fin de la guerre d’Algérie, les plaies sont encore vives de part et d’autre, malgré des gestes symbolique­s au fil des ans de la France, qui exclut toutefois « repentance » ou « excuses ». Le Président Emmanuel Macron avait déclenché l’ire d’Alger en octobre en accusant, selon des propos rapportés par le quotidien Le Monde, le système « politicomi­litaire » algérien d’entretenir une « rente mémorielle » autour de la guerre d’indépendan­ce et de la France. L’Algérie avait alors rappelé son ambassadeu­r à Paris et interdit le survol de son territoire aux avions militaires français ralliant le Sahel.

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(Repro DR) « On ne doit jamais avoir peur de la vérité [...]. Il faut la regarder en face », a déclaré la ministre de la Culture.

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