Monaco-Matin

Décryptage d’un Saint Thomas « caravagesq­ue »

Une toile oubliée de José de Ribera, disciple du Caravage, sera mise en vente ce dimanche à l’Hôtel des ventes de Monte-Carlo. Ainsi que des objets d’art autrefois abrités à la Villa Paloma.

- THOMAS MICHEL tmichel@nicematin.fr

La découverte

Tout débute par une banale prise de contact. Le directeur de l’Hôtel des ventes de MonteCarlo, Franck Baille, est sollicité pour faire un inventaire dans la région parisienne par des propriétai­res qui souhaitent rester anonymes. Dans une pièce « aveugle », il tombe sur une toile aussi sombre que lumineuse « dont la valeur et l’intérêt sont complèteme­nt ignorés des propriétai­res ». Présentée au cabinet Turquin, référence en la matière, l’oeuvre est authentifi­ée et attribuée à José de Ribera, après validation par l’historien et fin connaisseu­r de l’artiste, Nicola Spinosa.

La genèse

Pour authentifi­er et surtout raconter l’oeuvre, les équipes de Franck Baille et Chantal Beauvois ont fait appel à Eric Turquin, expert en tableaux anciens. « Ce tableau a été peint avant la période napolitain­e de Ribera, à Rome, dans cette ambiance caravagesq­ue. Cela lui donne sa valeur, son intérêt et sa rareté, assure l’expert. On ne connaît qu’une dizaine de tableaux de cette époque. »

Toile de 102 par 76,5 cm, ce Saint Thomas pourrait être le fruit d’une commande d’une congrégati­on religieuse. « Elle fait certaineme­nt partie d’un apostolado. Une série de 12 apôtres probableme­nt destinée à une sacristie. Les figures des apôtres sortent de l’ombre et on se concentre sur l’originalit­é humaine de chacune de ses figures. »

Son estimation, jugée « raisonnabl­e » par HVMC, a été fixée à 300 000-400 000 euros. Une occasion de réhabilite­r un artiste injustemen­t en retrait selon Eric Turquin. « C’est le premier artiste qui a vraiment compris Caravage et transmis sa mission. Un artiste qui, pour moi, n’est pas à sa place. Ribera c’est le grand caravagesq­ue, bien plus qu’un artiste comme Valentin, dont on oublie qu’il n’a commencé à peindre qu’après 1620. Alors que Ribera a connu Le Caravage, qui est mort en 1610. »

L’esthétique du Caravage

« Il n’y a aucune recherche de beauté dans le modèle. Il est très ridé. Il a pris quelqu’un de la rue, qui existe, pour nous montrer que Saint Thomas est un homme comme nous, qui s’est élevé grâce au Christ, à l’Evangile et à la fonction qu’on lui a donnée. »

Un tableau à l’éclairage « presque cinématogr­aphique », selon Eric Turquin, qui insiste sur la technique de Ribera. « Il peint avec ses mains. Il y a un côté très pâteux dans ses peintures avec des détails savoureux, comme par exemple ces deux petits éclats blancs peints d’un seul coup de pinceau très rapide, à la caravage, qui donne le blanc de la chemise de l’apôtre. »

Les éléments physiques les plus forts émotionnel­lement faisant l’objet d’un éclairage « divin ». « C’est la leçon du Caravage dont Ribera est le plus grand, le meilleur et le plus distingué des élèves ! »

Saint patron des architecte­s

« Saint Thomas est un des apôtres parti évangélise­r l’Inde, d’où ce voile que porte le personnage. Là-bas, il a été un grand bâtisseur, d’où l’équerre dans sa main aussi. »

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(Visuel HVMC) La représenta­tion de Saint Thomas est estimée 300 000 - 400 000€.

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