Monaco-Matin

Les petits drôles

- L’ÉDITO DÉCALÉ d’ERIC NERI Rédacteur en chef edito@nicematin.fr

Toujours pas de fumée blanche au-dessus de l’Élysée. Le nom du futur Premier ministre se fait attendre. Il doit, il est vrai, avoir un profil compatible avec toutes les promesses contradict­oires d’Emmanuel Macron avant l’élection.

« On ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens. » Cet aphorisme du cardinal de Retz pourrait s’appliquer au président réélu. Une campagne de premier tour plutôt à droite, pour assécher Les Républicai­ns, un entre-deux tours à gauche et écolo pour conquérir les supporters de La France insoumise et d’EELV. Si Jean-Luc Mélenchon s’était qualifié pour le second tour à la place de Marine Le Pen, le candidat caméléon aurait probableme­nt mis la barre très à droite, sécurité et immigratio­n en première ligne. Une prestation digne du transformi­ste italien Arturo Brachetti, capable d’incarner jusqu’à 50 personnage­s, avec autant de costumes, en un seul spectacle. La stratégie a parfaiteme­nt fonctionné. Chapeau l’artiste !

Seule la victoire compte, même s’il faut ensuite renouer les fils d’une campagne menée à hue et à dia. Ce sera la tâche du futur locataire de Matignon. Autant dire que les meilleurs chasseurs de têtes auraient de quoi s’arracher les cheveux face à un profil digne du mouton à cinq pattes. Dans le film éponyme d’Henri Verneuil, sorti en 1954, Fernandel joue six rôles différents, ceux de quintuplés et de leur père. Le futur chef du gouverneme­nt devra porter au moins autant de casquettes politiques et une en plus, celle d’être une femme. Les mâles ont dû ravaler leurs ambitions pour le poste. La féminisati­on est désormais un totem. Pas au point quand même pour Emmanuel Macron de laisser gagner sa rivale du second tour. Il ne pourra cependant pas se prévaloir d’être le premier Président à avoir nommé une femme à Matignon. Il y a plus de trente ans, François Mitterrand avait promu Édith Cresson après avoir congédié Michel Rocard, agacé par la réussite de son ancien rival. Souhaitons à la première Première ministre macronienn­e plus de succès que n’en a eu sa lointaine prédécesse­ure. En attendant que la situation ne se décante, le Président aurait, dit-on, bien gardé quelques semaines de plus Jean Castex pour mener la campagne des législativ­es. Mais le Gascon, pourtant jusqu’alors le petit doigt sur la couture du pantalon, a décliné l’offre. Emmanuel Macron a donc remis l’ouvrage sur le métier. Il a les cartes en main comme dans « Les petits drôles », ce jeu de notre enfance où il s’agissait de construire des personnage­s à partir de cartes de la tête, du corps et des jambes. Les combinaiso­ns les plus farfelues étaient possibles avant d’arriver à coordonner les trois parties du corps.

Il dispose de quelques jours encore pour dénicher l’oiseau rare en espérant, comme ce fut le cas semble-t-il cette semaine, ne pas essuyer un refus, alors qu’il croyait avoir trouvé son homme, pardon, sa femme. Et dire que certains se permettent de bouder les faveurs de Jupiter.

« Les meilleurs chasseurs de têtes auraient de quoi s’arracher les cheveux. »

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Monaco