Monaco-Matin

1954 Un retourné dans l’histoire

Sauvé par un geste incroyable de l’inoubliabl­e Pancho Gonzalez, l’OGC Nice remporte sa deuxième Coupe de France face à l’OM (2-1). Depuis, ce ciseau appartient à la légende.

- Texte : Philippe CAMPS Photos : Presse Sports (et V. Gargano)

L’image est arrêtée depuis le 23 mai 1954. Pancho Gonzalez ne touche plus terre. Il a du feu dans les yeux, la jambe droite en lévitation et le pied dressé vers le ciel. Le ballon est quelque part entre la transversa­le et l’infini. Soixante-sept ans et onze mois plus tard, le stade de Colombes retient toujours son souffle. Ce geste appartient à l’histoire du football français et au patrimoine de l’OGC Nice. Grâce à ce ciseau d’or et à tant de choses encore, Pancho Gonzalez ne nous quittera jamais vraiment. Il a juste fait un petit pas de côté, le 5 mars 2016. Il avait 89 ans. Mais Pancho est immortel. Pancho est éternel. L’image est figée, mais le défenseur légendaire du Gym sortira toujours du cadre avec un petit sourire en coin.

Pancho fait pleurer la Bonne Mère

L’action se situe à la 88e minute d’une finale irrespirab­le. Le Gym mène (2-1), mais il souffre, tant il est attaqué de toutes parts par des Marseillai­s déchaînés. Hairabedia­n sort, saute, plonge, repousse. Jusqu’à ce lob parfait de Scotti. Le gardien niçois est battu. Pas Pancho Gonzalez qui, d’un retourné acrobatiqu­e totalement fou, envoie le ballon sur la barre. Un trait de lumière. Le fait d’armes de notre ami Pancho. « Tu sais, mon petit, je ne sais plus si c’est le ballon ou mon pied droit qui a touché la transversa­le ! Et des années après, je ne sais toujours pas si le ballon a franchi la ligne ou pas... Je ne crois pas », nous a soufflé un jour Monsieur Gonzalez qui est le Gym à lui tout seul tant son parcours (joueur, capitaine, entraîneur, dirigeant) en dit long sur son amour du club. Cette fameuse 88e minute, vous pouvez la voir et la revoir en noir et blanc sur Youtube. Si elle ne vous déclenche pas les frissons, passez votre chemin. La Bonne Mère et tous les Marseillai­s continuent de voir le ballon au fond. Peuchère. Surtout que dans la foulée, le dénommé Palluch aura une seconde chance. Mais cette fois, c’est Carniglia qui sauvera sur la ligne en repoussant de la tête. Les miracles arrivent toujours deux fois.

Il faut croire aux signes. La preuve : le parcours des Aiglons jusqu’à ce dimanche 23 mai tient autant du talent qu’il contient de mystères. En 16e, ils passent tout près de la catastroph­e face aux amateurs de Blenod qui pousseront les pros à un second match. Rebelote en quart contre les amis bordelais après une première confrontat­ion rocamboles­que.

Bref, les Niçois n’ont pas joué cinq, mais sept rencontres (les tirs aux buts n’existent pas) avant d’arriver à Colombes. Ouf !

L’OM prépare la fête, Nice un match

Deux ans après leur première victoire en Coupe de France, au terme d’une finale de légende face à Bordeaux (5-3), les Rouge et Noir ont, cette fois, rendezvous avec le voisin marseillai­s. L’OM a déjà six Coupes dans son armoire et le champagne au frais. Un vent d’optimisme souffle sur le Vieux-Port. Un drôle de mistral. Gonflés de certitudes, les dirigeants olympiens ont demandé à la SNCF de repeindre la locomotive du retour aux couleurs du club. La star Ben Barek, le buteur Andersson, mais aussi Scotti et tous les autres posent avec Fernandel avant le départ pour la capitale. L’OM s’y voit déjà. Malgré un championna­t raté - ils ont terminé 14es c’est-àdire six rangs derrière le Gym - les Marseillai­s sont favoris. Dans leurs têtes et chez les bookmakers. Tout ça fait les affaires des Niçois qui montent tranquille­ment leur coup du côté de Maisons-Laffitte. « Les Marseillai­s préparent la fête, nous un match... », souffle George Berry. Le coach anglais du Gym a tout compris. Il sait aussi que son attaque peut faire très mal à l’ennemi. Il aligne donc cinq joueurs à vocation offensive (Ujlaki, Antonio, Carniglia, Fontaine et Nurenberg). C’est tout sauf une folie. Surtout quand on a Cuissard et Mahjoub au milieu. « L’une des plus belles paires de demis de l’histoire de l’OGCN », a toujours affirmé Julien Giarrizzi, journalist­e de Nice-Matin et de légende. Les Niçois ont eu une longue route avant ce rendezvous. Mais le jour J, ils sont à l’heure. Ce n’est pas le cas de leurs adversaire­s. Pris dans les bouchons parisiens, le bus de l’OM arrivera au stade vingt minutes avant le coup d’envoi. Pas la meilleure façon d’entrer dans l’événement. La preuve : Ben Barek et les siens sont menés 2-0 au bout de 10 minutes. Deux

buts signés Nurenberg, d’une superbe tête plongeante, et Carniglia d’une frappe croisée.

Le Gym attendu par 50.000 Niçois en joie

Le plan du Gym fonctionne à merveille. Les Marseillai­s sont KO debout, sonnés par les débordemen­ts d’Ujlaki, les percées de Carniglia, les fulgurance­s de Fontaine ou les attaques de Nurenberg. Angel, le portier des Blancs, vit un enfer. Le duo Cuissard-Mahjoub gagne tous les duels. Pendant 45 minutes, l’OM n’existe pas. En début de seconde période, un but d’Andersson réanime le suspense et les espoirs marseillai­s. On connaît la suite, le sauvetage de Pancho Gonzalez, celui de Carniglia et les bras levés vers les cieux, vers les Dieux. Après Jean Belver, deux ans plus tôt, c’est Antoine Cuissard qui reçoit la Coupe de France des mains du président René Coty qui a succédé à Vincent Auriol. La nuit est belle. Après un passage au journal L’Equipe et une fête chez Matesco, célèbre Niçois qui tient un restaurant quartier saint-Michel, les héros ont des valises sous les yeux et des bagages à la main. Le retour en train est turbulent.

Pancho chante, danse, se frise la moustache, raconte son retourné. A Nice, 50.000 personnes attendent les vainqueurs. Une folie. Les joueurs traversent la ville en fiacre. La Prom est rouge de bonheur et noire de monde.

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Le retourné héroïque de Pancho Gonzalez.
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 ?? ?? Le Gym vainqueur de la Coupe de France : Hairabedia­n, Carniglia, Gonzalez, Poitevin, Mahjoub, Cuissard. Accroupis : Ben Nacef, Antonio, Fontaine, Nurenberg, Ujlaki.
Le Gym vainqueur de la Coupe de France : Hairabedia­n, Carniglia, Gonzalez, Poitevin, Mahjoub, Cuissard. Accroupis : Ben Nacef, Antonio, Fontaine, Nurenberg, Ujlaki.
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 ?? ?? Le but de Nurenberg.
Le but de Nurenberg.

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