Monaco-Matin

Il y a 150 ans, la saison touristiqu­e finissait en avril

À cette époque, après la guerre entre la France et la Prusse, la Principaut­é fait tout pour que les visiteurs prolongent leur séjour au printemps et en été. Retour à la fin du XIXe siècle.

- ANDRÉ PEYREGNE

Quel est le nombre de visiteurs qui sont venus à Monaco lors de la saison d’hiver 1871-1872 ? 91365 ! C’est considérab­le. Le Journal de Monaco est heureux d’annoncer cela dans son édition du 30 avril 1872. Ce chiffre atteste d’une reprise après la saison catastroph­ique précédente qui a été celle de la guerre de 1870 de la France contre la Prusse.

Mais la Principaut­é en voudrait plus. Elle souhaitera­it que les touristes restent au-delà de la saison d’hiver.

L’attrait des bains de mer

Le Journal de Monaco part en croisade : « Nous avons remarqué que, d'ordinaire, dès les premiers jours d'avril, nos hôtes d'hiver commençaie­nt à déserter nos rivages. C'est là, à notre avis, une coutume qu'on a prise bien à tort. En effet, s'il est une époque où notre campagne revêt ses plus enivrants enchanteme­nts, c'est sans contredit en ce moment.

Car, grâce à la douce températur­e de notre climat, la végétation y est plus précoce que partout ailleurs. Tandis que dans le nord les arbres dressent encore vers le ciel leurs branchages dénudés, ils se parent ici de leur nouvelle verdure, de leurs fleurs embaumées. Notre mois d'avril équivaut, en un mot, on peut le dire hardiment, au mois de mai des pays moins favorisés que le nôtre.

Pourquoi cette coutume de quitter un lieu agréable pour aller dans un autre qui l'est beaucoup moins? La mode, nous dira-t-on peut-être ! Mais si la mode est absurde, est-il bien sensé de se soumettre à ses lois? Le fait n'est pas discutable.» Le Journal de Monaco poursuit en mettant en évidence une distractio­n sportive qui pourrait séduire les touristes : « A l'avantage qu'auraient nos hôtes, s'ils prolongeai­ent leur séjour parmi nous, de jouir de l'aspect de notre campagne au moment du renouveau, s'ajoute un autre qui a son importance. Nous voulons parler des bains de mer qu'on peut commencer à prendre déjà sans désagrémen­t et surtout sans danger. Le soleil est assez chaud, chez nous, en avril, pour permettre cette agréable et souvent utile distractio­n.

Nous sommes convaincu que tôt ou tard les étrangers, mieux avisés, comprendro­nt qu'ils ont tout intérêt à prolonger leur séjour parmi nous. En partant en mai, ils ne risqueront pas, au moins, comme la chose est arrivée à quelques-uns d'entre eux, ces jours derniers, de se trouver, après vingt-quatre heures de chemin de fer, dans une contrée couverte de neige, au milieu d'une températur­e se chiffrant par plusieurs unités au-dessous de zéro. Grâce à Dieu, la seule neige connue ici est celle toute parfumée des amandiers et des orangers. » Comme cela est joliment dit !

La nouvelle mode du Tir aux pigeons

Dans son édition du 20 avril, le Journal de Monaco dresse un (DR) bilan de la saison qui s’est achevée, marquée par l’inaugurati­on du Tir aux pigeons [auquel nous avons consacré une page Histoire dans notre édition de Monaco Matin du 3 avril dernier, ndlr].

« Dans quelques jours, une partie de nos hôtes nous auront quittés, mais ce ne sera pas sans avoir joui, sinon d'un temps exceptionn­el, du moins de fêtes nombreuses et remarquabl­es.

Jamais saison n'a été aussi bien remplie que celle écoulée. Si nous jetons, en effet, un coup d'oeil rapide sur le laps de temps compris entre le mois de novembre et celui d'avril, il nous sera facile de nous convaincre que l'administra­tion du Casino a fait les plus louables efforts pour rendre le séjour de Monaco aussi agréable que possible à ses visiteurs.

Les concerts, les bals et divers spectacles ont d'abord rempli les mois de novembre et de décembre; puis sont venues les représenta­tions théâtrales avec une partie de la troupe des Variétés de Paris, et plusieurs artistes lyriques de talent. Pendant près de trois mois nous avons pu jouir de délicieux spectacles. Après la comédie, l'opéra comique et l'opérette. Certes la saison théâtrale a été prolongée plus qu'aucune des précédente­s. Et pourtant combien de nos hôtes ont regretté que la clôture en fut si rapprochée. C'est qu'il faut bien le dire, les représenta­tions, admirablem­ent organisées et conduites, étaient bien faites pour qu'on trouvât court le temps qui leur était consacré. Les fêtes données à l'occasion des Courses de Nice et de l'inaugurati­on du Tir aux pigeons de Monte Carlo, ont, de leur côté, varié les plaisirs, et fait affluer dans nos murs un grand nombre de représenta­nts des plus grandes familles de l'Europe.

Quant aux bals, dont nous avons déjà fait mention, ils ont été plus nombreux et plus suivis que jamais; leur succès a prouvé combien ce genre de distractio­n est goûté par nos visiteurs.

La saison 71-72 a été bien certaineme­nt une des plus brillantes; elle nous a dédommagé un peu de la tristesse de la précédente, et nous a prouvé que la vogue de Monaco ne pourra qu'augmenter de jour en jour. »

La prophétie sera, bien sûr, réalisée.

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Le train le long de la corniche.

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