Relaxe pour un chèque de 20 000 € sans provision
La somme, remise à un imprimeur à titre de caution par un éditeur de Monaco confronté à des difficultés financières, n’était pas destinée au recouvrement de sa dette.
Quiproquo ? Incompréhension ? Divergence ? D’emblée, l’avocat de la partie civile avait demandé pour cette audience le report de l’affaire afin de régulariser la citation. Mais en l’absence de Me Jean-Pascal Padovani, la victime est passée outre l’injonction de renvoi de son conseil et a sollicité du tribunal correctionnel de retenir le dossier.
Un dossier où il était question d’un incident de paiement pour un chèque de 20 000 euros. Une somme considérée toutefois comme une garantie personnelle par un éditeur de Monaco dans sa relation commerciale avec un imprimeur vençois.
Face au montant important de la facture, le client avait formulé des craintes pour sa trésorerie et il s’était engagé à respecter autrement le paiement à l’aune d’un échéancier.
« Je n’ai jamais fait de chèque sans provision »
Mais en droit, comme l’a rappelé à nouveau le président Florestan Bellinzona, « un chèque de garantie n’existe pas. C’est une invention ! Vous l’aviez émis en juin 2019, et en plus il était antidaté.»
C’est complètement faux pour le prévenu : « Je n’ai jamais fait de chèque sans provision et il a bien été présenté à la date de l’émission. Afin d’éviter de laisser trop d’argent sur le compte courant, j’ai un compte épargne immédiatement disponible pour compenser toute somme manquante. Il y avait suffisamment de fonds pour l’honorer ».
Le magistrat est sceptique : «Ce n’est pas ce que confirme votre établissement bancaire. Et quoi qu’il en soit, la pratique réglementaire consiste à avoir les fonds suffisants sur le compte concerné dès l’émission du chèque qui est, rappelons-le, un instrument de paiement ».
Aussitôt, le plaignant fait part de son abnégation pour une société éditrice « que nous avons souvent aidée. Mais ayant eu connaissance d’une insolvabilité croissante, nous avons porté ce chèque à l’encaissement par crainte d’être confrontés à une suspension pure et simple des paiements substantiels en retard.
Nous réclamons notre dû plus les intérêts : 45 000 euros. »
« Incroyable de voir la partie civile menacer mon client »
La dette est-elle cependant constituée ? Le prévenu a-t-il émis ou non un chèque sans provision ? D’après le substitut Emmanuelle Carniello, «leCode pénal matérialise l’infraction dès l’émission datée du 6 juin 2019. Sachant que la provision disponible sur son compte était insuffisante, l’éditeur devait transférer l’argent par un mouvement de compte à compte. Je requiers 10 000 euros d’amende assortis du sursis. »
La défense va nuancer la présentation des faits, sans aucune intention de commettre une infraction. « C’est incroyable de voir la partie civile menacer mon client, s’indigne Me Vincent Ehrenfeld, du Barreau de Nice. D’autant qu’il s’est substitué à sa société pour établir justement ce chèque de caution. De plus aucun élément dans ce dossier ne permet de le destiner au recouvrement de la dette. Un an après, il était périmé, mais pas antidaté ! Or, l’imprimeur est venu mentir à la barre ! La relaxe est cohérente. Quant à la demande du plaignant, elle ne doit pas se référer à une créance commerciale et il est inconcevable de réclamer un préjudice. » À l’issue du délibéré, le tribunal a relaxé l’éditeur.
* Assesseurs : M. Morgan Raymond et Mme Aline Brousse.