Borne again
Un mauvais suspense de trois semaines s’est donc achevé hier avec la nomination à Matignon d’Élisabeth Borne, 61 ans depuis un mois, ministre sortante du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, après l’avoir été de la Transition écologique et solidaire mais aussi des Transports. Polytechnicienne, habituée des cabinets ministériels de gauche depuis 1987, passée par la SNCF avant d’être nommée préfète, directrice de cabinet de Ségolène Royal, ministre de l’Écologie, en 2014 et 2015, présidente de la RATP, membre de tous les gouvernements macroniens depuis 2017, la nouvelle Première ministre offre un CV parfait de haut fonctionnaire. Nul doute qu’elle en ait toutes les qualités, à commencer par une maîtrise technique et administrative des dossiers. De ce point de vue, elle ne ressemble en rien à Édith Cresson, avant tout politique, seule femme à l’avoir précédée il y a 31 ans dans cette fonction de chef du gouvernement pour une durée de 10 mois ! En ira-t-il différemment avec Élisabeth Borne ? Rompue depuis cinq ans aux pratiques macroniennes, elle est prête, c’est une certitude, à obéir au doigt et à l’oeil à un Président qui entend tout contrôler. Le temps qu’il a pris pour la nommer n’a pas été une période d’hésitation. Son choix était fait depuis le premier jour mais il a joué au chat et à la souris pour montrer qu’il reste le seul maître à la fois des horloges et du pouvoir. Il s’est défini comme un président nouveau, rien ne le démontre dans cette manière de faire. Jupiter un jour, Jupiter toujours. Le Président est néanmoins trop calculateur pour avoir pris le risque d’être déjugé par les électeurs. Élisabeth Borne est candidate aux élections législatives dans le Calvados. Elle concourt sans grand danger dans une circonscription gagnée haut la main par La République en Marche en 2017. Certes, des urgences l’attendent à Matignon, mais son premier faux pas serait de renoncer à se soumettre au suffrage universel qu’elle affronte pour la première fois. Cette onction électorale lui est d’autant plus nécessaire qu’elle doit aussi conduire le parti présidentiel à la bataille. Il lui faudra néanmoins faire preuve d’un charisme dont on n’a pas encore vu la manifestation. À bien des égards, sa rigueur et son austérité sont l’antithèse de la rondeur bon enfant et provinciale de Jean Castex. Le nouveau tandem exécutif reprend donc des couleurs très technocratiques. Il lui faudra en trouver d’autres au moment où le pays voit l’inflation flamber, le pouvoir d’achat s’effriter et les marges de manoeuvre pour gouverner réduites à peau de chagrin. La Banque centrale européenne va mettre un terme au « quoi qu’il en coûte » avec un arrêt de la planche à billets et une hausse des taux d’intérêt. Pour Élisabeth Borne, les temps qui s’avancent seront difficiles à gérer.
« Elle offre un CV parfait de haut fonctionnaire. »