Monaco-Matin

« Pourquoi moi ? »

Alors qu’ont débuté les qualificat­ions hier, Yannick Noah, vainqueur il y a près de 40 ans, revient sur sa carrière.

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C’était il y a près de 40 ans et depuis, aucun Français n’a inscrit son nom au palmarès de Roland-Garros. Yannick Noah se retourne sur son parcours. Le Français, qui fête ses 62 ans le 18 mai et vit désormais au Cameroun où il est chef d’un village, était de passage à Paris pour le lancement d’un documentai­re sur sa vie qui sera disponible le 20 mai sur Amazon Prime.

Que vous reste-t-il de Roland-Garros 1983 ?

C’est mon heure de gloire, je n’en ai gagné qu’un. Et c’est la première fois qu’on me donnait un micro. Donc tu es submergé par cette émotion, tu ne touches pas terre... J’ai fait un discours simple mais j’ai remercié tout le monde et je n’ai oublié personne. C’est con, parce que si j’avais oublié quelqu’un, j’aurais essayé de gagner une deuxième fois, ça m’aurait motivé !

Depuis les balles jouées à 11 ans avec votre idole Arthur Ashe jusqu’au concert au Stade de France, en passant par Roland-Garros et la Coupe Davis, quel est votre meilleur souvenir ?

En fait, c’est toute l’histoire... Ma première victoire personnell­e, c’est Roland-Garros, j’ai 23 ans. Et quand je suis capitaine (en Coupe Davis) ,mon souhait, à l’intérieur de mes tripes, c’est que mes potes vivent cette émotion. La première fois que Joakim (son fils aîné) a gagné le championna­t universita­ire de basket aux Etats-Unis, j’étais avec sa maman et il a fait un truc incroyable. Il y avait 50.000 personnes, ils ont gagné, il a été joueur de la finale, MVP, et il est monté dans la tribune nous embrasser.

Qu’aviez-vous de plus pour gagner à Roland ?

L’image que tout le monde connaît, je pleure parce que je me dis ‘‘pourquoi moi ?’’ J’ai toujours eu ce sentiment. Avant chaque concert, je me dis ‘‘pourquoi moi ? C’est quoi cette chance ?’’ J’ai plutôt eu ce rapport à tout ce qui m’est arrivé. J’ai des copains autour de moi qui avaient plus de talent, des gens plus malins. Mais du coup c’est moi, et c’est possible en fait.

Des joueurs plus talentueux ?

Oui... le talent en France c’est quelque chose d’esthétique. On a beaucoup plus de difficulté­s à mettre en avant les qualités morales d’un enfant, l’envie, la ténacité, la résistance, qui font partie du talent. Et j’avais ça. J’étais athlétique pour un gamin de mon âge mais surtout je m’entraînais beaucoup et du coup j’ai développé ça, justement parce que j’avais envie, cette motivation intense d’aller le plus loin possible. Quand je me suis retrouvé entraîneur, c’est ce que j’ai mis en avant, c’est ce que j’ai regardé chez les joueurs et joueuses que je coachais.

Votre père Zacharie a été joueur de foot pro, vous avez été champion de tennis et votre fils Joakim a été champion de basket NBA. L’ADN des Noah est-il spécial ?

On aime le sport. On aime la compet’. Mais c’est surtout ma mère... C’était une bagarreuse, elle détestait perdre. Alors moi, j’étais bon élève, mais j’étais toujours premier en gym, en dessin et en musique. Toujours ! C’était coefficien­t zéro, mais mes parents me félicitaie­nt : ‘‘C’est bien, t’es premier en gym ! T’es premier en musique !’’ Et donc, il y avait de ça : j’ai été encouragé. Je ne pense pas qu’il y ait une question de génétique.

 ?? (Photo AFP) ?? Le 5 juin 1983, Yannick Noah bat le Suédois Mats Wilander 6-2, 7-5, 7-6 en finale de Roland-Garros. Depuis, plus aucun Français ne s’y est imposé...
(Photo AFP) Le 5 juin 1983, Yannick Noah bat le Suédois Mats Wilander 6-2, 7-5, 7-6 en finale de Roland-Garros. Depuis, plus aucun Français ne s’y est imposé...
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