Monaco-Matin

Les voleurs de découverte­s archéologi­ques sévissent aussi sur la terre ferme

- VINCENT WATTECAMPS vwattecamp­s@nicematin.fr

La passion de Philippe Y. l’a conduit au tribunal de Draguignan. Poursuivi en février dernier pour vol de découverte archéologi­que, le quinquagén­aire conteste avec force être « un pilleur de tombes ». « Je ne supporte pas les gens qui vont de nuit sur les sites archéologi­ques. Je ne suis pas comme ça. » Froide comme une fibule mérovingie­nne ayant passé plusieurs siècles sous terre, la justice a pourtant condamné le manipulate­ur en radiologie à une amende de 900 euros et à la confiscati­on des scellés. Soit 925 objets archéologi­ques d’une valeur estimée à 14 210 euros !

Pièces romaines, hache polie, silex, médailles...

« Ce dossier est caractéris­tique des dérives produites par l’usage de détecteurs de métaux dans un but de prospectio­n d’objets archéologi­ques, explique Me Dounia Azerine, avocate auprès de la Direction régionale des affaires culturelle­s (Drac). Ce prévenu se mettait horsla-loi en effectuant des détections sans avoir en sa possession toutes les autorisati­ons nécessaire­s, puis il alimentait un marché clandestin en vendant ses trouvaille­s sur Internet. »

Il suffit d’aller faire un tour sur les sites d’enchères du web pour prendre conscience du phénomène. « Du drame », pointe Xavier Delestre, conservate­ur régional de l’archéologi­e en ProvenceAl­pes-Côte d’Azur.

Selon lui, plus de 30 millions d’objets ont été illégaleme­nt déterrés en France lors des trente dernières années. Et notre région est, de par son histoire, un terrain de jeu privilégié des détectoris­tes. Qui profitent de machines de plus en plus puissantes et précises pour aller toujours plus profond.

Méconnaiss­ance des lois

Sur eBay, Philippe Y. utilisait un pseudo. Malgré cette précaution, le volume de ses échanges a alerté la Drac, qui a effectué un signalemen­t au parquet. «La perquisiti­on de son domicile à Régusse dans le Var a permis de découvrir des pièces romaines, une hache polie, des silex préhistori­ques, des médailles religieuse­s », détaille Me Azerine. Autant d’éléments qui deviennent « des orphelins de l’histoire » aux yeux de Xavier Delestre. « Sortis de leur contexte, ces objets perdent de leur valeur scientifiq­ue. »

Pourtant, chez certains, le poids de l’histoire ne pèse pas lourd par rapport à la valeur monétaire des biens découverts. « Mais même sans chercher à tirer profit des objets trouvés, la plupart des prospecteu­rs sont dans l’illégalité la plus totale », précise Xavier Delestre.

Car la loi est claire et d’applicatio­n stricte : toute personne souhaitant utiliser un détecteur doit obtenir l’autorisati­on écrite du propriétai­re du terrain. « Beaucoup pensent que cela suffit, mais non ! » Il faut en effet envoyer à la Drac un écrit motivé. La Drac, par délégation préfectora­le, décide alors si la détection est autorisée ou non. « Cette autorisati­on est ensuite envoyée au propriétai­re, à la gendarmeri­e et à la mairie. »

Ces règles, que beaucoup au sein de la communauté des détectoris­tes estiment trop contraigna­ntes, sont souvent méconnues du grand public. Philippe Y., lui, en avait connaissan­ce. Aujourd’hui, son trésor est entre les mains de vrais archéologu­es.

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