Monaco-Matin

« UN RÔLE DIFFICILE À ABANDONNER »

Du 20 au 25 mai pour l’ouverture de La Cuisine, nouvelle salle du Théâtre National de Nice (TNN), la comédienne est Bérénice. Une héroïne tragique et intemporel­le qu’elle a déjà incarnée plusieurs fois.

- AMÉLIE MAURETTE amaurette@nicematin.fr

En 2000 pour la télévision au côté de Gérard Depardieu et Jacques Weber, elle était déjà Bérénice. En 2008 aussi, sur les planches, avec Lambert Wilson, dans une mise en scène du comédien. 2022, encore. Dans une production du Théâtre National de Nice, Carole Bouquet endosse à nouveau le costume de l’amoureuse déchirée. Dans une mise en scène volontaire­ment intemporel­le de la directrice du TNN, Muriel Mayette-Holtz, qui avait elle aussi déjà monté la tragédie de Racine – avec la Comédie Française en 2011 –, l’actrice Césarisée chez Bertrand Blier, que l’on a récemment revue dans le carton télévisuel En thérapie, savoure ce retour au classique. Aux alexandrin­s parmi les plus célèbres du théâtre français. Le texte, le texte, le texte, martèle la comédienne de 64 ans entre deux ultimes répétition­s dans La Cuisine. La nouvelle salle du TNN qui s’ouvrira ce vendredi avec la première de cette Bérénice.

Vous avez déjà joué Bérénice. Pourquoi y retourner ?

Racine, on a toujours envie d’y retourner quand on peut. Et finalement, il n’y a pas tellement de pièces que moi je peux jouer, les autres ce sont des jeunes femmes. Bérénice a 50 ans, 60 ans, Titus en a dix de moins. Le plaisir de la langue est tel... Si j’étais pianiste je jouerais Le Clavier bien tempéré [recueils de Bach, ndlr] encore et encore ! Je ne veux pas non plus que ça devienne mon unique répertoire mais c’est un rôle difficile à abandonner parce qu’il est magnifique, que le texte est magnifique. Ça tient sur le texte, en soi, sinon ce serait un fait divers dans un journal ! Mais quand on se sert de l’écriture de Racine, de là vient l’émotion : si vous ne jouez que le sens du texte, vous n’en aurez aucune. Je le sais pour l’avoir entendu et réentendu. Il faut jouer avec l’écriture, les vers, le rythme, long, court...

Cette écriture peut effrayer certains. Que leur dîtes-vous ?

Je ne pourrai jamais convaincre quelqu’un qui ne veut pas. En revanche, ce qui m’est arrivé plusieurs fois, c’est que des gens me disent à la fin : ‘‘Ah, je ne savais pas que c’était ça, Racine’’. Je l’ai joué beaucoup dans les collèges par exemple, avec des adolescent­s qui me disaient : ‘‘Elle fait chier la meuf’’. Je répondais : ‘‘Attends, moi j’apprends à parler comme ça et toi tu apprends Racine, et tu vas entendre pourquoi la manière dont on le dit est importante, pourquoi, si je le fais comme ça, ça marche et autrement non. Tu vas entendre que juste raconter l’histoire, ça ne suffit pas’’.

Et au fond, il est question d’amour, de devoir, de pouvoir...

Les thèmes sont éternels. Si quelqu’un pense à autre chose... Dans les choix qu’on a à faire dans la vie, tout le monde peut s’y reconnaîtr­e. On est parfois torturé, on sait qu’il faudrait qu’on fasse quelque chose et on ne veut pas, on bataille avec soi-même, parfois à tort puisqu’on le sait dès le départ. Ce sont des sentiments éternels... Bien sûr que c’est un empereur et une reine mais enfin, c’est vous et moi.

Dans sa mise en scène, son décor, ses costumes, cette version souligne cela ?

Cette histoire a existé. Ou vous la faites telle quelle, sobre, d’époque, ou vous la faites neutre et vous laissez les mots exister sans les marquer d’un décor lourd de sens. Il n’y a rien de pire. Il faut laisser le texte au centre, et la solitude immense des uns et des autres, qui n’ont rien à quoi se raccrocher.

Racine évoque le “plaisir” provoqué par la “tristesse majestueus­e” de la tragédie. Pourquoi a-t-on ce plaisir ?

Ah je n’en sais rien, posez-vous la question à vous !

Vous n’êtes jamais spectatric­e ?

Si, mais de tragédie bien jouée, rarement ! (rires) Non mais, justement, c’est beau quand c’est de la tragédie. Si c’est un drame, ça m’ennuie. C’est beau quand ça prend cette dimension-là, quand où que vous soyez, ça prend. C’est du domaine de l’impensable, ça tout le monde peut comprendre.

> Bérénice. TNN, La Cuisine (155, boulevard du Mercantour), à Nice. Vendredi 20, samedi 21, mardi 24 et mercredi 25 mai à 20 h, dimanche 22 mai à 15 h. À partir de 13 ans. Tarifs : 22 euros, réduits 10 et 15 euros. Rens. www.tnn.fr

« Bien sûr c’est un empereur et une reine mais enfin, c’est vous et moi »

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(Photo Sophie Boulet) Carole Bouquet sera aussi dans la région en juin, en tant que juré de la Design Parade pour l’architectu­re d’intérieur, à Toulon.

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