Rengraisser le Mammouth

C’est l’histoire d’un chouchou du Président qui finit avec un bonnet d’âne. JeanMichel Blanquer, remplacé hier par Pap Ndiaye, a battu deux records : celui de la longévité au ministère de l’Éducation et celui de l’impopularité. En mars, 95 % des enseignants rêvaient de l’exclure définitivement ! Les plus bienveillants concéderont qu’il n’a pas eu de chance. Son règne, rue de Grenelle, a été endeuillé par une tragédie – l’assassinat de Samuel Paty – et bousculé par une crise sanitaire inédite. Le dédoublement des classes en CP et

CE1, dans les secteurs prioritaires, pourra aussi être porté à son crédit.

Les plus sévères fustigeront ses réformes mal ficelées. À commencer par celle du Bac, avec la suppression des filières S, ES et L, et la montée en puissance du contrôle continu qui compte désormais pour 40 % de la note finale. En janvier dernier, une commission sénatoriale a dénoncé ces bouleversements engagés dans la précipitation et sans concertation, créant une

« génération d’élèves cobayes » totalement désorientés. Parcoursup, le logiciel censé aider les futurs bacheliers à orienter leurs études, a également focalisé les griefs. Mais plus encore, c’est la « méthode Blanquer » qui a enraciné un profond malaise. La parole des professeurs a régulièrement été ignorée, voire méprisée. Ses sorties sur le « wokisme » qui « sape la démocratie et la République » ,ou « l’islamogauchisme », tout comme sa conception confuse de la laïcité, ont jeté la consternation jusqu’au coeur du gouvernement. En confiant son maroquin à Pap Ndiaye, Emmanuel Macron a choisi un profil exactement opposé. Cet agrégé de 56 ans, à la tête du Musée national de l’immigration, avait confié au journal Le Monde sa volonté de « ne plus mettre des pans de notre histoire sous le tapis ». Il s’est également fait connaître en prenant position contre les « violences policières ». Le contraire d’un rouleau-compresseur. Le nouveau ministre a du pain sur l’estrade. Il devra s’efforcer de remotiver un corps enseignant mal rémunéré, mal considéré, qui suscite de moins en moins de vocations. Rengraisser le Mammouth pour que l’Éducation nationale puisse de nouveau conjuguer son avenir au futur simple.

« Pap Ndiaye devra s’efforcer de remotiver un corps enseignant qui suscite de moins en moins de vocations. »