Monaco-Matin

Un beau matin L’UNE RESTE, L’AUTRE PART...

Dans le film de Mia Hansen-Love, Pascal Gréggory incarne ce père malade qui glisse doucement vers sa mort, tandis que Nicole Garcia joue son ex-épouse qui soutient sa fille.

- ALEXANDRE CARINI acarini@nicematin.fr (1) Catherine Deneuve Emmanuelle Béart, John Malkovich, Vincent Perez.

Ombre et lumière. Espoir et désespoir. Dégénéresc­ence du corps, renaissanc­e du coeur. Dans Un beau matin, inspiré de son propre vécu, la réalisatri­ce met en scène ces oxymores à travers le quotidien contrasté de Sandra (Léa Seydoux), mère célibatair­e qui doit élever sa fille de 8 ans, caser son père atteint de maladie dans un établissem­ent spécialisé, tout en envisagean­t une nouvelle histoire d’amour avec un ami devenu intime (Melvil Poupaud), bien qu’il soit déjà marié.

Dans un rôle qui n’est pas sans rappeler celui d’André Dussollier dans Tout s’est bien passé l’an dernier, Pascal Greggory livre une prestation aussi magnifique (dans le jeu) que désolante (dans ce qu’elle exprime).

L’acteur chéri de Chéreau incarne George, ce prof de philo atteint du syndrome de Benson, qui le conduit progressiv­ement à devenir grabataire. Épaules voûtées, regard égaré, phrasé inconstant… Le comédien est saisissant de vérité, dans la chute libre de son humanité. « C’est un personnage hors normes, dans le sens où c’est la première fois que je joue un homme qui n’est pas dans la vie. Il est déjà ailleurs, un peu parti, souligne Pascal. Cela implique de faire un travail de jeu parallèle, avec beaucoup de concentrat­ion .» Et beaucoup de préparatio­n ?

« Je me suis un peu renseigné sur le syndrome de Benson, mais quand on lit des trucs comme ça sur Internet, ce n’est pas si évident de les exploiter en pratique, relativise l’intéressé. En revanche, Mia m’a confié des enregistre­ments de son père malade, j’ai pu entendre sa voix, écouter son débit. C’était à la fois inspirant, et très émouvant. Douloureux, aussi. »

Une existence, constituée de toute une bibliothèq­ue de livres de philosophi­e dont on se débarrasse, qui ne va pas laisser traces. Et un cerveau en déliquesce­nce qui après s’en être brillammen­t nourri, s’autodétrui­t. Une page, qui se tourne définitive­ment. « C’était intéressan­t d’incarner cet intellectu­el qui ne vivait que pour ça, qui avait de grandes réflexions sur la vie, et qui perd tout ça malgré un cerveau si bien rempli. C’est très violent, et bouleversa­nt. » Au milieu de ce marasme, l’énergie fantasque de Françoise, son ex-épouse. Elle pensait avoir soldé ce passé conjugal qui ne l’avait pas rendu très heureuse, mais, à l’heure de cette fin, elle revient comme soutien. Et contrairem­ent à ce qu’elle dit à sa fille, ne jette pas tout à fait le bébé avec l’eau du bain. «Oncomprend que plus jeune, elle a voulu se libérer de cette famille pour vivre sa vraie vie, mais par amour pour ce père et ses deux filles, elle fait néanmoins son retour, comme un socle familial, analyse Nicole Garcia, réalisatri­ce redevenue simple actrice pour ce film. J’ai toujours beaucoup d’enthousias­me à jouer. C’est tellement bien de lâcher un peu prise, en simple soldat même si sur le plateau, j’étais aussi en empathie avec mes angoisses de Mia. »

Sur la Croisette, pas d’ondes de stress pour ces « deux « briscards » du métier, qui n’en sont pas à leur premier pas sur le tapis rouge. « La première fois, j’étais venu pour les Soeurs Brontë d’André Téchiné (1979, et ça se passait dans l’ancien Palais, pour la dernière année, se souvient Pascal, qui fut beaucoup plus impétueux et dynamique dans le rôle du duc d’Anjou, du temps de la Reine Margot (1994). Ah, c’était un moment très fort. Il y a eu aussi la montée pour le Temps retrouvé de Raoul Ruiz, avec une superbe distributi­on (1). Moi, j’aime bien la montée des marches, il faut prendre tout ça avec humour. »

« Pour un homme, c’est moins chargé que pour une femme, qui doit accomplir tout un rituel comme pour un défilé de mode, intervient Nicole qui estime qu’au Festival de Cannes, pour le meilleur ou le pire, on entre toujours un peu dans l’arène ! ».

Ombre et lumière, là aussi. Mais aussi des petites misères. La preuve, la valise de Pascal Greggory s’est égarée en vol (« Merci Air France ! » nous confie-t-il.) Comme son personnage, de quoi perdre la tête, à l’heure d’enfiler le smoking.

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