Monaco-Matin

Me Olivier Ferri : « La justice n’a pas les moyens d’agir »

Le 116 000, le numéro d’urgence

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En 2021, le ministère de l’Intérieur a dénombré 545 mineurs enlevés ou détournés. Soit autant de situations humaines dramatique­s qui bouleverse­nt un parent, des familles. Avocat d’Alain Chauvet, un père varois privé de sa fille depuis 11 ans (lire page précédente), Me Olivier Ferri a multiplié les procédures bien avant la disparitio­n pour prévenir la justice. « Il y avait tous les signaux allumés qui annonçaien­t la séparation de l’enfant et du père selon la volonté de la mère. Je me souviens du jour où Priscilla Majani, la mère de Camille, était dans les geôles du tribunal dans l’attente d’une convocatio­n en justice. Le père avait obtenu la garde de l’enfant à son domicile. J’ai prévenu qu’il fallait aller chercher l’enfant avant sa sortie. On lui a répondu : elle ne va pas l’enlever ! ».

Mais comment, malgré de multiples décisions prononcées par des magistrats, une enfant a-t-elle pu disparaîtr­e du jour au lendemain, franchir des frontières ? La justice est-elle impuissant­e face aux enlèvement­s parentaux ? « Parce que la justice manque de moyens. En conciliati­on, un magistrat a entre 20 et 30 dossiers, et il y consacre le temps qu’il peut. Les juges passent ainsi à côté de signaux d’alerte qui permettent d’intervenir en amont. »

Ensuite, note l’avocat varois, « on se heurte aussi à une certaine philosophi­e, en raison d’une certaine grille de lecture qui consiste surtout pour les magistrats à tenter d’obtenir un accord ou une solution sans stigmatise­r un parent. Il ne faut pas cristallis­er les désaccords, ne pas mettre de l’huile sur le feu... Et lorsqu’il y a condamnati­on pour enlèvement, on obtient péniblemen­t un article 700, soit 1 000 euros de dédommagem­ent. » Dans le cas de la disparitio­n de la petite Camille, Me Olivier Ferri fait un constat terrifiant pour son client : «La mère a gagné. Elle a enlevé sa fille. Elle l’a fait disparaîtr­e entre 2011 et 2022. Lui, déjà père de trois enfants d’un premier lit, n’a vécu ces dernières années que pour retrouver sa fille. Il y a laissé sa santé, sa vie sociale. Il était obnubilé par cette disparitio­n. Alors, on a retrouvé Camille, mais Camille refuse de voir son père et a obtenu un permis de visite pour aller voir sa mère en prison ».

Onze longues années de combat qui débouchent sur une impasse.

« Nous étudions une action contre l’État pour ses manquement­s », termine Me Ferri.

Depuis le 14 novembre 2018, Droit d’Enfance gère et coordonne le numéro d’urgence 116 000 dédié aux familles de mineurs disparus. En France, le ministère des Solidarité­s et de la Santé a choisi Droit d’Enfance pour accompagne­r les familles victimes de ces disparitio­ns. Le numéro d’urgence a reçu 30 823 appels en 2021 Un constat alarmant est fait sur la hausse des conduites prostituti­onnelles observées chez les jeunes filles lors des épisodes de fugue. Le plan national de lutte contre la prostituti­on des mineurs, publié par l’État le 15 novembre 2021, estime que 10 000 mineurs seraient victimes de prostituti­on en France. Dans le cadre ce plan, la fondation Droit d’Enfance, qui coordonne et gère le 116 000 Enfants Disparus, a été chargée de la constituti­on d’une cellule de suivi prostituti­on des mineurs en collaborat­ion avec le 119 – Allo Enfance en Danger.

‘‘ Nous étudions une action contre l’État pour ses manquement­s ”

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