Un Estérel en couleurs SIGNÉ LOUIS VALTAT
Un jardin Louis Valtat vient d’être inauguré à Anthéor où le peintre s’était installé en 1899. Il y a vécu quinze ans.
Il aimait promener son regard et son pinceau sur les reliefs colorés de la Corniche d’Or. Il nous en a donné maints témoignages comme ce tableau de l’Estérel, conservé au Musée de l’Annonciade à Saint-Tropez. Le peintre Louis Valtat est mort il y a soixante-dix ans, en 1952. Un jardin à son nom a été inauguré samedi dernier à Anthéor, dans le Var, où le peintre résida de 1899 à 1915, et où il fit construire une maison.
C’est sa santé qui a poussé cet artiste, natif de Dieppe, à venir fréquenter nos rivages. Atteint de tuberculose vers l’âge de vingt ans, il lui est conseillé d’aller vivre dans des régions ensoleillées. Ce sera d’abord Arcachon. Puis le Var.
Au cours de l’hiver 1897-1898, avec sa femme Suzanne, il découvre Agay, hameau de pêcheurs proche de Saint-Raphaël. Puis, tout à côté, Anthéor. La région l’enchante. Le ciel d’azur, la mer étincelante, les rochers de porphyre rouge, les pins tourmentés : quel spectacle pour cet homme avide de couleurs et de lumière !
C’est là qu’il veut vivre. Comme il a certains moyens, il achète plusieurs terrains mitoyens afin d’y faire construire une villa. Ces parcelles appartiennent à l’écrivain Eugène Brieux. Elles vont devenir la propriété d’un peintre. Et ce peintre appellera Roucas Rou la maison qu’il y fera construire. Paul Valtat installe son chevalet sur la plage, couvre sa toile de couleurs vigoureuses.
À vélo chez Renoir
Et voilà qu’un peintre célèbre vient à poser son regard sur un de ses tableaux. Ce peintre est Auguste Renoir. Il encourage Valtat. Il n’habite pas loin – à Cagnessur-Mer. Il suffit de traverser l’Estérel à bicyclette pour le rejoindre.
Louis Valtat et son épouse effectuent le trajet avec joie. Une fois sur place, Renoir peint un portrait de Suzanne Valtat pendant que son mari fait des croquis de Renoir à l’encre. Ce dernier met également Valtat en contact avec le célèbre marchand d’art Ambroise Vollard, lequel, sous le charme, acquerra la presque totalité de sa production durant douze ans. On n’est pas loin de Saint-Tropez. Paul Valtat y rend visite à Signac à bord d’une Bollée – petite voiture qu’il a reçue du peintre tropézien en échange d’un tableau du cap Roux.
Une toile de jute
Notre tableau du jour n’a pas été peint dans un atelier mais sur place, sur une toile posée sur un chevalet. Le mot toile s’impose : il ne s’agit pas de la matière lisse des peintres civilisés mais d’une bonne vieille toile de jute utilisée par les manutentionnaires en tous genres.
Pourquoi ? On ne sait pas. Sans doute n’avait-il pas d’autre support sous la main ce jour-là et l’urgence de peindre était-elle trop forte.
Par l’emploi des teintes pures et l’usage des formes simplifiées, on se trouve là dans l’esprit du fauvisme.
« La profusion de la nature est traduite par une effervescence colorée ainsi que par de larges touches, épaisses et nerveuses, commente Séverine Berger, conservateur du Musée de l’Annonciade. On constate une osmose entre le végétal et le minéral. Les plans sont différenciés par l’usage des couleurs, de même que les ombres. »
Le tableau a été offert par l’artiste en 1922 pour la création du Museon Tropelen, qui est l’ancêtre du Musée de l’Annonciade. Il y demeure depuis cent ans, ravissant le visiteur par la force de ses couleurs.