Monaco-Matin

« Juste pour notre plaisir »

Fidèle parmi les fidèles, Christian Sarron remonte encore le temps dans l’habit de lumière Yamaha, ce week-end au Castellet. Rencontre entre un roulage et une séance d’autographe­s.

- PROPOS RECUEILLIS PAR GIL LÉON

Dans le garage où sont bichonnées les nobles mécaniques d’antan du Yamaha Racing Heritage Club, on se bouscule pour l’approcher. Une fois de plus, Christian Sarron a répondu à l’appel de la Sunday Ride Classic. À 67 ans, le meilleur pilote français du siècle dernier, dont le palmarès totalise sept victoires en Grand Prix et un succès au Bol d’Or décroché sur le circuit Paul Ricard en 1994, enchaîne les piqûres de rappel sans point mort. Quand ce n’est pas côté piste, en chevauchan­t l’une de ses anciennes bêtes de course, c’est côté paddock, en accédant aux innombrabl­es requêtes de passionnés qui n’oublient pas ses coups d’éclat. Contact !

Christian, la Sunday Ride Classic, c’est un virage incontourn­able ?

Oui, je viens le plus souvent possible. Chaque année, sauf quand un coronaviru­s nous met des bâtons dans les roues. Il s’agit vraiment d’un rendez-vous agréable, pour plein de raisons. D’abord parce que cet événement se déroule sur un tracé mythique, dans un cadre enchanteur, entre mer et soleil.

C’est également l’occasion de retrouver beaucoup d’amis pilotes vivant dans le coin. Et des mécanicien­s qui m’ont épaulé, des anciennes machines... Rouler juste pour notre plaisir, pas pour la performanc­e, on ne s’en lasse pas. Jamais.

Et puis j’estime que c’est mon devoir de renvoyer l’ascenseur aux fans, à ceux qui me supportaie­nt à l’époque comme aux plus jeunes qui ne m’ont jamais vu courir. Durant mes quinze saisons en Grand Prix, je me suis senti tellement soutenu, aimé. Alors signer un poster, une casquette, prendre un selfie, échanger quelques mots, ça me semble normal.

Vous pilotez combien d’anciennes motos ce week-end ?

Deux ! La 250 de 1984 (champion du monde, ndlr)

Christian Sarron : « Durant mes quinze saisons en Grand Prix, je me suis senti tellement soutenu, aimé. Depuis, j’estime que c’est mon devoir de renvoyer l’ascenseur aux fans ».

et la 750 de 1977 (vicechampi­on du monde).

Les Yamaha 500 usine ne sont plus disponible­s pour de tels roulages. Leur carter en magnésium vieillit mal. Dommage car c’est la plus difficile à dompter. La plus plaisante, aussi. Celle qui m’a donné le plus de frissons, quoi !

‘‘ Je préférais avaler la ligne droite du Mistral d’un trait, sans chicane”

Votre souvenir numéro 1 au Castellet ?

Il y en a tant qui se bousculent dans ma mémoire. Difficile d’en choisir un... Allez, disons le Grand Prix de France 1988 (500 cc). Je décroche assez facilement la pole position. Et après une bagarre acharnée avec Kevin Schwantz (Suzuki), Wayne Gardner (Honda), je finis 2e dans l’aspiration d’une autre Yamaha, celle d’Eddie Lawson (à 0’’22). Lui, il se battait alors pour le titre. Ce jour-là, je ne lui ai pas donné beaucoup de fil à retordre. Aucune consigne ! Ce fut un choix personnel. Pour Yamaha, ma famille depuis toujours, je trouvais logique, juste, de l’aider.

Le circuit Paul Ricard, il a changé un peu, beaucoup ou pas du tout ?

Le tracé est différent. Pour le retour de la Formule 1, il a dû passer par la case lifting. À l’époque, c’était déjà un circuit avantgardi­ste en termes de sécurité, d’infrastruc­tures. J’adorais négocier les « S » de la Verrerie autrefois. Maintenant, c’est plus serré, plus lent. Je préférais aussi avaler la ligne droite du Mistral d’un trait, sans chicane au milieu. Mais ça reste une piste fabuleuse, quand même.

Giacomo Agostini qui célèbre ici son 80e anniversai­re au guidon en participan­t à des parades, vous en pensez quoi ?

Giacomo, ce fut d’abord un modèle. Et puis un adversaire, car nous nous sommes affrontés.

Lui allait bientôt achever sa fabuleuse carrière tandis que je débutais ma trajectoir­e en Grand Prix. En piste, il gagnait tout, ou presque, avec un style superbe, une classe folle. Aujourd’hui, c’est un ami. Et un modèle, plus que jamais ! À 80 printemps, Giacomo demeure un fantastiqu­e serviteur de la moto. Il a la même notoriété que Valentino

Rossi et il trouve toujours le temps de se rendre disponible. Jamais je ne l’ai vu refuser un autographe à quelqu’un. Bref, c’est un gentleman. Abordable, intelligen­t, souriant, entre autres qualificat­ifs. Il y a tellement à dire. Les mots me manquent...

Aujourd’hui, le roi de la catégorie reine s’appelle Fabio Quartararo. Va-t-il passer la deuxième au palmarès du MotoGP cette saison ?

On dirait qu’il est bien parti pour, non ? Comme quoi la Yamaha M1 possède certaines qualités, malgré tout. Moi, je lis et j’entends sans cesse des tas de critiques sur cette machine. Si elle n’est pas la plus puissante, la plus rapide en vitesse maxi, je constate qu’elle offre un compromis largement suffisant pour permettre au pilote de pointe du team usine de battre la concurrenc­e. Fabio est devenu champion du monde haut la main en 2021. Aujourd’hui, il mène encore la danse. Mieux, à Barcelone, il a fait le break, creusé l’écart. L’avenir se présente bien. D’autant plus qu’il vient de prolonger son contrat de deux ans. L’aurait-il fait s’il jugeait cette moto dépassée ?

Newspapers in French

Newspapers from Monaco