La Nupes bouscule les ambitions macronistes
Avec 25,66 % contre 25,75 % selon les derniers chiffres hier soir, elles est au coude-à-coude avec la coalition présidentielle. Le chef de l’État n’est pas assuré d’obtenir une majorité absolue.
C’est le genre de pirouette qui fait le charme de la démocratie française. Il y a deux mois, la bataille du pouvoir se jouait entre Emmanuel Macron et l’extrême droite. Aujourd’hui, c’est une coalition née à l’extrême gauche qui menace la majorité présidentielle. Les Républicains et le Rassemblement national sont loin derrière, tandis que Reconquête ! est à deux doigts du hors-jeu.
L’exploit de la Nupes
La Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) a grillé la politesse aux candidats macronistes réunis sous la bannière Ensemble ! Les premières estimations des résultats, publiées hier soir, placent les mélenchonistes au coude-à-coude avec les hommes du Président. Un véritable exploit, si l’on se souvient que trois Français sur quatre ont voté pour la droite ou l’extrême droite au premier tour de la présidentielle. La stratégie d’union de la gauche, formalisée en deux semaines, a incontestablement été payante.
Cela permettra-t-il à Jean-Luc Mélenchon d’être « élu Premier ministre », comme il le martèle depuis le 24 avril ? Les projections en nombre de sièges au Palais Bourbon ne donnent à ses partisans « que » 150 à 190 députés. C’est beaucoup plus qu’actuellement, mais une majorité, absolue ou relative, semble hors de portée.
Les macronistes sans souffle
La vague macroniste de 2017, qui avait donné à La République en marche (LREM) une majorité confortable de 308 députés à l’Assemblée nationale, n’est qu’un souvenir. Dans l’intervalle, les partisans du « nouveau monde » sont devenus les hommes du passif : ils cristallisent le mécontentement des électeurs.
Ils restent favoris pour le second tour, mais les instituts de sondage ne leur promettent qu’une majorité relative à la chambre basse : entre 255 et 295 fauteuils, selon l’estimation Ipsos-Sopra Steria pour France Télévisions.
C’est beaucoup moins que les 346 élus qui composent la majorité actuelle (LREM et MoDem) et potentiellement en dessous du seuil de la majorité absolue, fixé à 289 députés. Si ce scénario est avéré, le président de la République devra composer avec les groupes d’opposition, ou négocier des ralliements au sein de l’hémicycle, pour faire adopter ses réformes.
Le RN vise un groupe à l’Assemblée
Un succès teinté d’amertume – un de plus pour la formation de Marine Le Pen. Avec 19,2 % des suffrages, le Rassemblement national confirme sa forte progression observée à la présidentielle, glanant six points de plus qu’en 2017. Cependant, cette poussée pourrait ne pas se traduire intégralement au Palais Bourbon. Les 150 élus, visés par la fille de Jean-Marie Le Pen, semblent hors de portée. Les frontistes ne devraient pas arracher plus de soixante sièges, selon les projections de l’Ifop. D’autres instituts prévoient un RN cantonné à une quinzaine d’édiles ! Dans ce cas, le parti pourra constituer un groupe parlementaire. Cela lui donnera plus de visibilité et de prérogatives politiques – notamment la possibilité de réclamer la création d’une commission, une suspension de séance ou l’allongement du temps d’examen d’un texte.
Les Républicains font de la résistance
Stop ou encore ? Après la faillite du premier tour de la présidentielle, les Républicains jouaient leur survie. Avec 13,7 % des voix, selon Ipsos-Sopra Steria, le parti de Christian Jacob sauve les meubles. Il devrait conserver un groupe de 50 à 80 élus à l’Assemblée, et pourrait même damer le pion aux frontistes.
La « reconquête » ratée de Zemmour
Éric Zemmour semble bien parti pour suivre les traces de Pierre Poujade, ce député d’extrême droite qui fit sensation au mitan des années cinquante… avant de disparaître du paysage politique. Les 550 candidats qu’il présentait n’ont rallié que 4 % des suffrages, loin des 7,07 % accrochés par l’ancien polémiste au premier tour de la présidentielle. Zemmour lui-même a été défait dans la 4e circonscription du Var. Selon toute probabilité, Reconquête ! n’obtiendra aucun élu.
Premier parti de France : l’abstention
La participation au premier tour culmine à 47,51 % selon les estimations, un taux historiquement bas sous la Ve République. Depuis 1958, jamais les Français n’avaient été si peu nombreux à se mobiliser pour choisir leurs députés. En 2002, 64,4 % des électeurs s’étaient déplacés. C’est depuis cette date que le calendrier électoral a été inversé, de sorte que les législatives suivent désormais l’élection présidentielle.
Après une légère baisse de la participation en 2007 (60,4 %) et en 2012 (57,2 %), la dégringolade a été spectaculaire en 2017 : seulement 48,7 % des Français s’étaient alors rendus aux urnes.
Les électeurs retrouveront-ils le chemin des isoloirs dimanche prochain ? Pour qui voteront-ils ? Ces paramètres influeront sur l’issue d’un scrutin qu’on aurait tort de croire joué d’avance.