Le Président aura-t-il les moyens de gouverner ?
Selon toute probabilité, les députés macronistes seront moins nombreux au lendemain du second tour des législatives. Le chef de l’État, selon les scénarii, pourrait avoir les mains liées.
La Macronie s’est réveillée, hier matin, avec la gueule de bois. Certes, la coalition Ensemble ! est arrivée en tête (1) au premier tour des législatives. Mais elle n’a battu la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) que d’une courte tête (25,75 % contre 25,66 %) avec une avance d’à peine 21 442 voix. Surtout, les projections en nombre de sièges à l’Assemblée nationale ont de quoi inquiéter les hommes du Président. Alors que LREM détient actuellement, à elle seule, la majorité absolue avec 308 élus, les instituts de sondage ne promettent qu’entre 255 et 295 députés pour toute la coalition(2).
La Nupes, de son côté, décrocherait entre 150 et 190 représentants au sein de la chambre basse. Le RN et LR seraient loin derrière avec quelques dizaines d’édiles.
Le précédent de 1988
Moins de 289 députés, ce serait une catastrophe pour le chef de l’État. Il ne disposerait que d’une majorité relative et aurait les mains liées. Pour chaque projet de loi, il devrait nouer des alliances avec les groupes d’opposition – Les Républicains en tête.
Cette situation ne serait pas une première sous la Ve République. De 1988 à 1993, François Mitterrand avait dû gouverner avec 275 socialistes dans l’hémicycle. Il avait été contraint de négocier tantôt avec les communistes, tantôt avec le groupe centriste. Son Premier ministre Michel Rocard avait eu recours 28 fois en trois ans à l’article 49.3 de la Constitution, qui permet de faire adopter un texte sans vote à l’Assemblée.
Le poids du MoDem et d’Horizons renforcé
Et même si Ensemble ! obtient 289 députés ou davantage, tout n’est pas réglé. Car Renaissance (ex-LREM) n’accrochera sans doute pas la majorité absolue sans ses alliés du MoDem et d’Horizons. Le poids politique de François Bayrou et d’Édouard Philippe en serait considérablement renforcé. Si cela ne semble pas problématique pour le premier, il en va différemment pour le second. Philippe ne cache pas ses ambitions pour la présidentielle de 2027. Or, pour être élu, il lui faudra tôt ou tard prendre ses distances avec le Président sortant pour ne pas avoir à assumer son passif. L’hypothèse d’une « majorité » paralysée, au mitan du mandat, n’est pas à exclure. Seule bonne nouvelle pour le chef de l’État, la probabilité que la Nupes obtienne la majorité au Palais Bourbon est quasiment nulle. Pas de cohabitation à l’horizon : Emmanuel Macron ne sera pas obligé de nommer Jean-Luc Mélenchon à Matignon.
1. Cette coalition rassemble notamment Renaissance (ex-LREM), le MoDem, Agir et Horizons.
2. Entre 255 et 295 pour Ipsos-Sopra Steria, entre 260 et 295 selon Elabe.