Monaco-Matin

Jugé trop pollueur, un bateau expulsé du port de Nice

Le « Aegean Odyssey » et ses 300 croisiéris­tes devaient passer deux nuits dans le bassin Lympia. Ils n’y seront restés que quelques heures : les plaintes de riverains s’accumulaie­nt.

- ERIC GALLIANO egalliano@nicematin.fr

C «’est vrai qu’il crachait pas mal de fumée », confirme le président du comité de défense de riverains « Port et environnem­ent ». « Une fumée blanche », précise Jean-Michel Bidart avec un peu d’étonnement. Il semblerait que les groupes électrogèn­es et non directemen­t les moteurs du Aegean Odyssey soient à l’origine des nuisances.

Le fait est qu’en début de soirée, avanthier, « les plaintes ont commencé à s’accumuler », poursuit Nicolas Plumion. « À Infernet, où il était à quai, c’est devenu tout bonnement infernal », résume le président de l’Union maritime niçoise. Au point que la décision a été prise d’émettre «unordre de mouvement » à l’encontre de ce bateau de croisière de 140 mètres de long. Une première, semble-t-il. Le navire pollueur a été prié de prendre le large en pleine nuit.

« Trouble à l’ordre public »

« J’ai commencé à recevoir des appels et des SMS vers 18 h 30, explique Olivier Bettati qui dirige la mission port. Ce bateau assez ancien dégageait énormément de fumée. Après avoir discuté avec la capitainer­ie, il m’a été précisé qu’il était possible d’invoquer le trouble à l’ordre public occasionné pour l’obliger à partir. Cela n’est évidemment pas sans implicatio­ns. J’ai appelé Christian Estrosi puisque la Métropole est propriétai­re du port, ainsi que la chambre de commerce et d’industrie qui en est le gestionnai­re, et la décision a été prise d’utiliser pour la première fois cette procédure. »

Ainsi, ce bateau de croisière arrivé d’Ajaccio le matin même à Nice, où il devait faire escale deux nuits, n’y sera finalement resté que quelques heures. Le paquebot a largué les amarres peu après minuit pour rejoindre La Seyne-sur-Mer dans le Var. Il aurait été envisagé de l’accueillir à Cannes, mais cette solution n’en était pas une, puisque le navire battant pavillon panaméen ne respectait pas non plus la charte environnem­entale qui y est en vigueur.

Protestati­ons de l’armateur

Déplacer en urgence un tel navire n’est pas une mince affaire. Il a fallu d’abord rapatrier les passagers, ainsi que des membres d’équipage qui avaient profité de cette escale pour visiter la capitale azuréenne. L’armateur, une société grecque, n’a pas manqué de protester contre un tel traitement qui a provoqué des « désagrémen­ts pour ses clients », engendré «des frais » et a nui également à sa « réputation ».

Compte tenu des enjeux, l’affaire risque d’échouer devant les tribunaux. « Il y aura vraisembla­blement des suites. Nous en avons conscience », reconnaît Olivier Bettati qui se félicite néanmoins que pour la première fois, les pouvoirs de police maritime conférés aux capitainer­ies aient été pleinement utilisés pour faire cesser une pollution manifeste. Le patron de la mission port y voit aussi tout l’intérêt de l’électrific­ation des quais dont le chantier va être lancé.

« C’est un changement de mentalité, reconnaît Nicolas Plumion. Tout ne peut plus être accepté. Et ce bateau risque d’avoir bien du mal à trouver encore un port qui l’accepte à l’avenir, compte tenu de l’évolution des législatio­ns environnem­entales. » Le Aegean Odyssey est un ancien ferry construit il y a 49 ans, et reconverti en bateau de croisière en 1988. Il compte 200 cabines, deux restaurant­s, un cabaret et peut accueillir jusqu’à 350 personnes à son bord. Il est désormais à quai à La Seyne-sur-Mer.

Le bateau de croisière « Aegean Odyssey » quittant le port de Nice peu après minuit dans la nuit de jeudi à hier.

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(Photo DR)

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