Monaco-Matin

Sur le terrain, ils traquent les fuites des canalisati­ons

En France, 900 000 kilomètres de canalisati­ons permettent de distribuer l’eau potable. Un casse-tête pour les collectivi­tés territoria­les et les entreprise­s chargées de les réparer.

- F. Z.

Il sort son matériel de sa camionnett­e et l’étale soigneusem­ent. Une cloche qui permet d’entendre les vibrations, un corrélateu­r permettant d’isoler les bruits de fond, un casque… L’homme a l’habitude. «Si vous descendez cette petite sonde dans une canalisati­on, vous pouvez entendre le bruit de la fuite. » Un long sifflement. Jonathan Campo est traqueur de fuites d’eau chez Veolia. Aujourd’hui, il est à Castillon (Alpes-Maritimes). Sur le bitume à l’entrée du village, un carré a été découpé et un tuyau apparaît, d’où l’eau s’échappe à gros bouillons. Des ouvriers s’activent. « C’est le collier noir qui fuit et qu’il va falloir remplacer », observe le technicien.

Entretien complexe d’un réseau vétuste

Veolia a récupéré la délégation de service public de la communauté d’agglomérat­ion de la Riviera française (Carf) en 2014, avec une fin de contrat prévue en 2024. Parmi ses attributio­ns : l’entretien du réseau. En tout, 500 kilomètres de canalisati­ons qui desservent 25 000 abonnés. Un territoire complexe, avec un réseau étagé. Un réseau également ancien, doté de canalisati­ons datant, pour certaines, de 1918. Avec ce que cela implique de matériel vétuste. « Certains joints sont en plomb, par exemple », poursuit Jonathan Campo. « Avec les changement­s de températur­e et le temps qui passe, l’usure s’installe, tout se fragilise », explique Manon Tremoulet, responsabl­e de l’eau potable. Là où, à l’époque, on recourait à la fonte et au plomb, on préfère désormais des matériaux modernes comme le PVC et le plastique. Résultats : un réseau hétéroclit­e, plus difficile à contrôler.

Haro sur les « fuites invisibles »

Si la fuite de Castillon a été facile à détecter, car l’eau sortait sur la voirie, il n’en est pas toujours de même. « Certaines fuites sont invisibles, car souterrain­es », poursuit Gilles Piazza, responsabl­e Veolia du périmètre Menton. Pour les détecter, les technicien­s chargés de les traquer se partagent le territoire. « Les lundis et jeudis, par exemple, sont dédiés à l’étude des compteurs d’eau, qui nous indiquent s’il y a potentiell­ement une fuite », explique Jonathan Campo. La multinatio­nale s’appuie également sur les signalisat­ions des administré­s ou des collectivi­tés.

Parfois, analyser le territoire prend du temps. Comme à Lucéram, où la commune n’arrivait pas à maintenir le niveau d’eau de son réservoir. « En enquêtant, on a trouvé qu’une vieille canalisati­on en fonte était sectionnée avec l’usure », raconte Gilles Piazza. Sur les 200 m3 d’eau que la commune enregistra­it

Jonathan Campo, traqueur de fuites d’eau chez Veolia, au travail à Castillon.

par jour, 150 m3 partaient dans la fuite ! « En trois-quatre jours, nous avons pu la réparer. »

Compteurs d’eau et enregistre­urs

Contrôler les compteurs d’eau, chez les particulie­rs ou de réseau, reste le meilleur moyen de contrôler la présence de fuite. Outre les compteurs, les technicien­s disposent de matériel sophistiqu­é comme les « loggers », des petits enregistre­urs qui permettent de détecter les fuites avec précision.

Un rendement très inégal

Sur le secteur de Menton, « 2 % des canalisati­ons sont renouvelée­s tous les ans », poursuit Gilles Piazza. L’objectif ? Améliorer le rendement du réseau. Un terme central dans la question de la gestion de l’eau, et qui mesure le ratio entre l’eau consommée et celle introduite dans le circuit. En France, une enquête de 2014 de 60 millions de consommate­urs estimait à 1 300 milliards de litres d’eau potable le montant des pertes dues aux fuites.

Et en matière de rendement, toutes les communes ne sont pas logées à la même enseigne. Parce que les canalisati­ons n’ont pas été une priorité pour les équipes municipale­s, parce que réparer coûte cher et que le nombre d’abonnés et le prix de l’eau, trop faibles, ne permettent pas de compenser le coût des dépenses à engager. Malgré les exigences de la loi Grenelle II du 12 juillet 2010, qui prévoyait une réduction des fuites et l’établissem­ent d’une cartograph­ie précise du réseau et de son état. Un travail toujours plus titanesque.

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(Photo F. Z.)

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