Monaco-Matin

Un champignon plus fort que le charançon

Il est responsabl­e de la mort de quantité de palmiers sur la Côte d’Azur. Pour lutter contre ce parasite, la ville de Nice teste depuis trois ans un insecticid­e naturel. Une réussite.

- BAPTISTE BOZON

Il ne fait que trois centimètre­s, mais est capable de décimer un palmier à lui tout seul. Le charançon rouge est bien connu pour les ravages qu’il provoque sur l’arbre le plus emblématiq­ue de la Côte d’Azur : le palmier. La femelle peut pondre jusqu’à 300 oeufs à chaque portée. Les larves creusent ensuite des galeries dans le tronc, tuant l’arbre à petit feu. Pour tenter d’éradiquer ce coléoptère, la Ville de Nice a fait appel en 2019 à une solution écologique, un insecticid­e naturel.

Un seul palmier infecté depuis janvier

Il s’agit d’un champignon, le beauveria bassiana. Il a été mis au point par une société basée à Pau (Pyrénées-Atlantique­s) et un laboratoir­e varois, Végétech. Jusqu’en 2016, le nombre de palmiers décimés ne fait qu’augmenter jusqu’à atteindre les 347 sujets sur le domaine public niçois. Cette année, seul un palmier a été touché. Magie ? Pas vraiment. Olivier Panchaud, jardinier paysagiste de Végétech, détaille la méthode : « Avec une perche de 16 mètres de haut et un compresseu­r à air, on répand au coeur du palmier le bioinsecti­cide. Ce champignon va détecter le charançon et germer en lui jusqu’à ce qu’il meure, entre cinq et dix jours. Ensuite, le champignon va contaminer les autres charançons jusqu’à créer une épidémie chez l’espèce. »

Un risque pour l’environnem­ent ?

Après dix années d’homologati­on et une autorisati­on de mise sur le marché en 2018 par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentati­on, aucun effet indésirabl­e n’a été détecté. Si le produit reste sous surveillan­ce, la biologiste de Végétech, Karine Panchaud rassure : «Onaimaginé et testé mille et une choses. L’avantage des champignon­s, c’est qu’ils agissent de manière très spécifique : tant que ça tue du charançon, ce n’est pas du papillon. »

Depuis 2013, la mairie de Nice a fait le choix de ne plus utiliser de pesticides chimiques pour assainir ses espaces verts. « Ce traitement a de réels avantages en termes de protection de la biodiversi­té, d’améliorati­on de la qualité de l’air et de l’eau et de protection de la santé publique », valorise PierrePaul Léonelli, adjoint au maire délégué aux Parcs et jardins. Mais traiter ainsi un palmier infesté coûte tout de même de 350 à 1 000 euros selon la taille et l’emplacemen­t de l’arbre.

De nouveaux envahisseu­rs

À peine le charançon rouge commence-t-il à disparaîtr­e, que d’autres insectes ravageurs émergent sur la Côte d’Azur. En cause : le dérèglemen­t climatique mais aussi le transport mondial. En 2016 a débarqué du Mexique le charançon de l’agave. Ce tueur de palmier commence à son tour à provoquer des dégâts dans la région. D’où la nécessité pour le laboratoir­e Végétech d’utiliser de nouvelles technologi­es afin d’aller plus vite et lutter plus efficaceme­nt contre ces envahisseu­rs. Karine Panchaud poursuit : « On décline le travail réalisé avec les champignon­s, sur les nouvelles espèces. Pour étudier le comporteme­nt du charançon de l’agave par exemple, on utilise notamment des caméras, de jour comme de nuit. »

La Côte n’en a pas fini avec ces insectes ravageurs. De nouveaux tests sont en cours à Nice, pour lutter contre le charançon de l’agave et du figuier.

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(Photo B. B.) Depuis le traitement naturel, les charançons rouges et noirs se font de plus en plus rares.

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