Monaco-Matin

De parias à messagers de la cause environnem­entale

S’ils évoluaient jadis dans l’illégalité, les street-artistes sont désormais courtisés et multiplien­t les projets artistique­s. À Monaco, 14 ont vendu leurs oeuvres aux enchères pour un projet de la FPA2.

- THIBAUT PARAT tparat@nicematin.fr

Ce vendredi, ils faisaient face à une toile vierge. Carte blanche leur avait été donnée, par les organisate­urs du festival Upaint, pour remplir ce mur d’expression libre afin de lever des fonds pour une cause environnem­entale portée par la Fondation Prince Albert II (lire ci-dessous).

Après quatre jours passés à graffer sur les terrasses du Soleil, quatorze street artistes ont rendu leur copie et certaines de ces oeuvres se sont envolées à plusieurs dizaines de milliers d’euros, comme celle de Futura 2000, pionnier de la peinture urbaine, dont la fourchette basse d’estimation était fixée à 65 000 euros. C’est déjà plus que le montant global récolté l’an passé (45 000 euros) pour la sauvegarde des phoques moines de Méditerran­ée.

Jadis considéré comme un acte de vandalisme, le street art est désormais

un art à part entière. Jadis coursés par la police, ces apôtres de l’art urbain sont désormais courtisés. « C’est l’histoire de beaucoup d’entre nous. On séchait les cours avec les copains pour aller peindre les murs. À l’époque, on avait plus de chances de terminer en garde à vue que d’être payés pour ça », sourit Tim Marsh qui a fait de Barcelone son terrain de jeu.

« Toujours plus haut et plus dangereux »

Objectif de l’époque : apposer son « blaze », sa signature graphique, dans des endroits improbable­s. « C’était un peu comme placer ses pions dans le jeu Risk. Il fallait que ce soit toujours plus haut, plus visible, plus dangereux, se rappelle Mr OneTeas. C’était le culte de l’ego du vandale. J’ai arrêté ces peintures sauvages car je n’aurais pas aimé qu’on tague sur ma maison. Alors, je

me suis mis à faire des posters et à les coller. Puis, cette passion de la peinture est devenue notre profession. »

Avec le temps, les artistes de rue ont migré vers une tout autre démarche. « D’un caractère revendicat­if, on est passé à quelque chose de plus léché avec une démarche artistique, un travail des techniques », poursuit Tim Marsh.

« Habiller et embellir des lieux de vie »

Les moeurs ont évolué, donc, les regards ont changé. « Il a fallu un certain temps pour que les gens s’habituent à la publicité dans l’espace public. Elles gênaient. Il a fallu du temps aussi pour le graffiti, note Mr OneTeas. Des espaces reculés et abandonnés, où seuls les chasseurs d’images venaient pour véhiculer notre travail, on a migré petit à petit dans la ville pour habiller et embellir

des lieux de vie. J’ai, par exemple, réalisé la façade du Lycée Antoine de Saint-Exupéry à Saint-Raphaël. » Les collectivi­tés, les musées, les hôpitaux, les galeries ou encore les marques font désormais appel à leur talent et à leur imaginatio­n débordante. Et même ici, en Principaut­é, dans ce festival qui, édition après édition, monte en puissance en attirant des pointures du milieu. « Peindre à Monaco, pour la bonne cause, est parfait. On peut s’asseoir pendant quatre jours et peindre à notre rythme, sans pression. C’est différent de la rue où vous devez toujours faire vite », réagit le duo de The London Police, basé à Amsterdam.

Tim Marsh, en train de finaliser son renard en voie d’extinction, embraye : « Monaco n’est pas une terre de graff. Que l’art urbain vienne s’insérer dans un milieu comme celui-ci crée un décalage, certes cocasse, mais extrêmemen­t intéressan­t. C’est un mix de cultures et la synergie qui en découle est dingue. » Tous ont joué le jeu pour la bonne cause, environnem­entale. « Chacun a cherché à délivrer son message au travers des oeuvres. Ils voyagent beaucoup, s’aperçoiven­t des dégâts causés par l’homme. Certains, comme Dario Vella dont tout le travail tourne autour de la sensibilis­ation, vont mettre en avant les gestes qu’il faut changer », salue Cinzia Colman, organisatr­ice de l’événement.

Et les collégiens vainqueurs du Street Art challenge Junior, Myriam et Roufail Boughos, de conclure : « Ils nous inspirent par leurs idées uniques, par les sujets qu’ils abordent. C’était intéressan­t de voir l’impact que leurs projets ont sur les gens. »

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Mr OneTeas et Tim Marsh font partie des quatorze artistes de rue à avoir participé au festival Upaint pendant quatre jours.
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(Photos Jean-François Ottonello)

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