« On rentre dans une nouvelle ère monétaire »
Le CFM Indosuez fête cette année ses cent ans d’existence dans un contexte inflationniste qu’il observe avec prudence tout en poursuivant son ambition pour développer les fonds vert et bleu.
En présence du prince Albert II et des représentants des autorités monégasques, CFM Indosuez Wealth Management vient de fêter ses cent ans sur le toit-terrasse du Musée océanographique. Cocktail, dîner et show circassien sur le thème de la mer… Un événement phare organisé le 7 juin pour un centenaire dont la date exacte est le 13 juillet prochain. Aujourd’hui, le premier employeur bancaire de Monaco veut continuer à accompagner sa clientèle locale et encourager l’investissement durable, notamment avec un partenariat actif avec l’Institut océanographique. Un anniversaire célébré en toute intimité avec quelque cent cinquante invités. Mathieu Ferragut, directeur général de CFM Indosuez, est très engagé depuis bientôt trois ans aux côtés de Robert Calcagno, directeur général de l’Institut océanographique. Et même si la crise sanitaire et maintenant le conflit en Ukraine ont eu un impact sur le secteur bancaire, la volonté est intacte et s’inscrit bien dans la durée. Rencontre avec le banquier.
Vous célébrez vos cent ans sur fond d’inflation. Est-ce de nature à vous inquiéter ?
Le contexte macroéconomique et géopolitique est à prendre en considération. Nous sommes sur des marchés boursiers haussiers depuis la crise des subprimes de 2008. Durant cette période, les taux d’intérêt ont été faibles, voire négatifs, et l’intervention des banques centrales forte. Or aujourd’hui, l’inflation réapparaît, très certainement liée à la crise sanitaire, au conflit en Ukraine et à l’abondance de liquidités sur les marchés financiers. Nous la pensions temporaire il y a six mois mais elle semble désormais s’installer. Cela pousse les banques centrales à repenser leur politique monétaire en réduisant les liquidités et en entrant dans un cycle haussier de taux d’intérêts. Nous pouvons raisonnablement penser que, dans ce contexte, la valorisation des entreprises et celle des marchés boursiers vont en être affectées.
Est-ce une surprise ?
Nous savions qu’il y avait abondance de liquidités et un contexte de taux d’intérêts favorables. Il faut aujourd’hui repenser avec des taux d’intérêts positifs et l’impact que cela peut avoir sur la croissance et donc les marchés financiers. Reste à savoir si l’inflation sera jugulée et à quelle vitesse. La correction récente des marchés peut ressembler à un krach, mais ce n’en est pas un, car cela est très largement liée à ce changement de paradigme en matière de politique monétaire.
Les clients sont-ils inquiets ?
Les clients prennent conscience que nous entrons dans une nouvelle ère après une décennie de marchés financiers porteurs. Il faut donc être plus prudent. Et repenser les investissements, ne serait-ce que sur les dépôts monétaires. Plus que de la peur, il y a de la prudence et de l’attentisme. L’immobilier et les marchés de type private equity restent toujours aussi dynamiques et maintiennent une trajectoire de croissance assez solide.
Dans ce contexte fragile, votre siècle d’histoire en Principauté rassure-t-il vos clients ?
La réalité historique de la banque, créée par des Monégasques sur ordonnance souveraine du prince Louis II pour financer le développement de l’industrie du pays, conforte son image quasi institutionnelle. Le Crédit Foncier de Monaco (CFM) a été la première SAM banque de dépôt monégasque. La banque a accompagné durant près de 50 ans les entrepreneurs monégasques dans leur développement. Puis les fondateurs ont compris que pour accroître et accélérer le développement de la banque, ils devaient faire appel à un groupe bancaire international bien établi. Indosuez a ainsi racheté la majorité du CFM en 1971 ; mais une partie de son capital reste monégasque. Aujourd’hui, en plus d’être une banque privée et de proximité, CFM Indosuez accompagne aussi les deux tiers des entreprises monégasques. C’est ce qu’on appelle une banque privée universelle.
Comment articuler ce caractère institutionnel qui garantit sérieux et stabilité avec le dynamisme inhérent au secteur bancaire ?
CFM Indosuez emploie aujourd’hui 380 salariés. Son attache historique et sa grande taille lui imposent une forme de prudence dans la gestion. Elle doit par ailleurs maintenir un dynamisme constant, qui se traduit par de l’innovation en matière d’offres, de canaux digitaux et de finance durable.
Qu’est-ce qui fait la spécificité de la place monégasque ?
Même si l’offre digitale est bien développée, la proximité des clients reste essentielle, y compris avec les nouvelles générations qui ont elles aussi besoin de rapports humains. Le savoir-faire monégasque est de travailler dans cette proximité. Par ailleurs, du fait de la diversité, de la taille et de la complexité des patrimoines des clients en Principauté, les banquiers ont une approche plus globale que sur d’autres places financières. Elles ont développé de multiples compétences, notamment en matière de financements structurés et immobiliers, de conseils en actifs réels et de finance durable.
On entend dire souvent que les exigences des banques monégasques sur les transactions de leurs clients (origine des fonds) sont plus grandes à Monaco qu’ailleurs. Est-ce exact ? N’est-on pas passé un extrême à l’autre ?
La compliance n’est pas un frein au développement ou à l’expérience client. Nous la considérons comme une mesure de prudence, de rigueur et de bonne gestion de l’entreprise. Elle est essentielle à la protection du client et de l’actionnaire au regard d’un cadre réglementaire qui a évolué énormément depuis 2016 et qui s’impose à nous.
La finance responsable est-elle vraiment rentable ?
Les valeurs qui performent le plus en ce moment sont les valeurs pétrolières, ce qui est lié à la conjoncture géopolitique et macroéconomique. Toutefois, sur le long terme, il nous paraît logique que les entreprises les plus vertueuses soient les plus performantes.
Le partenariat avec l’Institut océanographique s’inscrit-il dans un véritable engagement sociétal ?
C’est un partenariat très dynamique et très actif qui n’est pas uniquement financier. Nous essayons mutuellement de nous appuyer sur nos expertises réciproques pour tenter de construire des solutions vertueuses. En tant qu’acteur financier, nous avons un devoir d’accompagner les scientifiques et ici en l’occurrence l’Institut océanographique - dans la lutte contre le réchauffement climatique et la protection des océans. La finance durable est par ailleurs centrale dans la stratégie du groupe Crédit Agricole et du groupe Indosuez. CFM Indosuez a fait le choix de la finance bleue par conviction et par volonté de focaliser ses efforts en matière de finance durable autour de la protection des océans. Par ailleurs, dans le cadre de notre politique de responsabilité sociétale et environnementale, nous poursuivons des actions communes avec l’Institut océanographique, notamment au travers des Citizen days, notre programme de volontariat qui implique directement nos collaborateurs.
‘‘ Ilyadela prudence et de l’attentisme”
‘‘ La compliance n’est pas un frein au développement ”
Y a-t-il une véritable volonté des clients de contribuer à investir dans des fonds verts ou bleus ?
La sensibilité de nos clients à la thématique de la finance durable est assez hétérogène. Nous constatons chez nos clients une volonté forte d’être informés et accompagnés. Cela nous confirme le caractère indispensable d’apporter systématiquement une dimension d’investissement responsable dans les conseils.