Monaco-Matin

Révolution feutrée

- de MICHÈLE COTTA Journalist­e et écrivain edito@nicematin.fr

Le président de la République ne pouvait pas faire moins que de reconnaîtr­e une évidence : le second tour des élections législativ­es a contredit le second tour de la présidenti­elle. Emmanuel Macron n’a pas l’Assemblée nationale qu’il aurait espéré avoir, c’est clair, c’est-à-dire qu’il ne dispose pas d’une majorité stable pour imposer, comme il le fait depuis cinq ans, sa politique. Il en a pris acte en tirant du vote du 19 juin la seule conclusion politique possible : aucune force politique aujourd’hui en France n’est en mesure de gouverner seule. Si la France veut éviter la paralysie, il faudra que chacun, y compris lui-même, mais aussi, à gauche, à droite et au centre, apprenne à composer. Composer, c’est vite dit. Car l’art du compromis politique, pratiqué en Allemagne par exemple depuis des dizaines d’années, n’est pas spécialeme­nt un art français.

Sur les bancs de l’Assemblée nationale, on s’écharpe volontiers, on claque son pupitre pour marquer son indignatio­n, on multiplie les petites phrases et les noms d’oiseaux, chacun désigne son adversaire et le piétine avec une satisfacti­on pas même dissimulée. Disons-le : rechercher des compromis entre adversaire­s politiques n’est pas dans la tradition française. Alors que faire ? Il faudra bien pourtant que le Président continue de présider, que les députés continuent à faire et à voter la loi, que l’État ne soit pas paralysé, et qu’en même temps les Français se sentent compris et entendus. En réalité, Emmanuel Macron, même s’il n’en convient pas vraiment, est devant une révolution politique limitée mais réelle, qui traduit l’exigence d’une démocratie nouvelle. Il lui faudra donc apprendre à gouverner autrement. Hélas, c’est plus facile à écrire qu’à faire. Envisager des coalitions politiques, ou des accords au cas par cas sur telle ou telle réforme, c’est certes possible. Mais cela passe, avant tout, par la définition d’un cap, sur lequel le Président est resté silencieux depuis plusieurs semaines, sur la mise en place d’une méthode de concertati­on.

Et aussi, surtout même, sur une volonté commune de ne pas rechercher le blocage, de ne pas paralyser le système. Chacun, de Marine Le Pen à Jean-Luc Mélenchon, jure ses grands dieux que telle n’est pas sa volonté. Attitude qui se dit positive, mais risque de disjoncter à la moindre occasion. Le Président en a appelé à la responsabi­lité de tous : si c’est une façon de désigner celui ou celle qui ne sera pas d’accord avec une réforme proposée comme le responsabl­e, ou le coupable, de l’échec de sa mise en oeuvre, l’expérience ne durera pas longtemps.

S’il s’agit au contraire de définir un vrai consensus, sur des mesures précises, même limitées, alors, peut-être, le jeu est-il jouable pour le pouvoir en place. À cette nuance près que ce n’est pas un jeu : c’est de notre avenir qu’il est question dans un monde qui n’a jamais été aussi menacé et menaçant.

« Rechercher des compromis entre adversaire­s politiques n’est pas dans la tradition française. »

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