Monaco-Matin

Crise migratoire : l’évêque de Vintimille charge la France

- ALICE ROUSSELOT

Le 11 juin 2015, la France rétablissa­it les contrôles à sa frontière avec l’Italie. Impliquant le refoulemen­t des migrants à Vintimille. Sept ans plus tard, l’évêque de la ville frontalièr­e et de San Remo, Antonio Suetta, dresse le bilan d’une mesure française aux conséquenc­es « très négatives », d’après lui, tant pour les exilés que – plus indirectem­ent – pour la ville de Vintimille.

« Pour les personnes à peau foncée »

Dans un communiqué, publié sur le site du diocèse, il rappelle qu’à la frontière, « la demande de papiers d’identité est systématiq­ue, mais uniquement pour les personnes à la peau foncée, avec pour conséquenc­e le rejet et le séjour en ville pendant un ou plusieurs jours ». Une mesure inefficace, précise-t-il, puisqu’elle n’a pas empêché les migrants de tenter de franchir la frontière.

Au contraire, « elle les a conduits à se tourner vers des trafiquant­s ou à risquer leur vie pour échapper aux contrôles », regrette l’évêque, évoquant les dizaines de victimes connues depuis 2015. Qu’elles aient été électrocut­ées sur les toits des trains, qu’elles soient tombées des montagnes, ou qu’elles aient été percutées sur l’autoroute. « La décision du gouverneme­nt français est d’autant plus “incohérent­e” depuis le début de la guerre en Ukraine que les réfugiés ukrainiens ont le droit de se déplacer au sein de l’Union européenne et de choisir dans quel pays se réfugier », poursuit Antonio Suetta. Mais la question au coeur de l’interventi­on publique de l’évêque reste celle de la légitimité d’une telle mesure. « Une nouvelle confirmati­on de l’illégitimi­té de la suspension des accords de Schengen est intervenue le 26 avril dernier par la Cour de justice de l’Union européenne, appelée à examiner le recours d’un migrant de Slovénie,

contraint de montrer un passeport à la frontière parce que l’Autriche, entre 2015 et 2017, avait suspendu à plusieurs reprises la libre circulatio­n des personnes prévue par la législatio­n », soulignet-il. Appelant le gouverneme­nt italien à s’employer pour que la France « n’entrave plus » la circulatio­n des personnes au sein de l’Union européenne.

Souhait d’un centre d’accueil local

« Je le demande instamment, poussé par le constat des graves difficulté­s subies par les migrants et, une fois de plus, par l’approche de la saison estivale. Ainsi que par l’émergence d’éventuels scénarios nouveaux et critiques causés par les guerres, la famine ou d’autres facteurs », insiste-t-il. À échelle locale ? Antonio Suetta appelle de ses voeux la création d’un nouveau centre d’accueil pour migrants, afin de « faire face à une situation très complexe tant pour les migrants que pour le territoire et de reconnaîtr­e la dignité des personnes en transit ».

Une demande que la préfecture d’Imperia et le ministère de l’Intérieur italien semblent avoir, pour le coup, entendue.

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