Monaco-Matin

Les États-Unis abolissent le droit à l’avortement

La Cour suprême a révoqué son arrêt historique de 1973, seul texte qui garantissa­it l’accès à l’IVG pour toutes les Américaine­s. Elle pourrait être interdite dans la moitié des États.

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Une volte-face historique. La très conservatr­ice Cour suprême des États-Unis a enterré hier le droit à l’avortement, et une poignée d’États en ont profité pour les bannir immédiatem­ent sur leur sol. Le président Joe Biden a dénoncé une « erreur tragique » qui « met la santé et la vie de femmes en danger », et appelé les Américains à défendre ce droit aux élections de mi-mandat en novembre. Cette révolution a été déclenchée par la décision de la plus haute instance judiciaire du pays de révoquer son arrêt emblématiq­ue « Roe v. Wade », qui depuis 1973 garantissa­it le droit des Américaine­s à avorter, la majorité de ses juges l’estimant aujourd’hui « totalement infondé ». « La Constituti­on ne fait aucune référence à l’avortement et aucun de ses articles ne protège implicitem­ent ce droit », écrit le juge Samuel Alito. « Il est temps de rendre la question de l’avortement aux représenta­nts élus du peuple » dans les parlements des États.

À contre-courant au niveau internatio­nal

Cette formulatio­n est proche d’un avant-projet d’arrêt qui avait fait l’objet d’une fuite inédite début mai. Même si elle était attendue, elle a poussé des centaines de personnes à manifester leur joie ou leur tristesse devant le temple du droit, à Washington.

« C’est dur de s’imaginer vivre dans un pays qui ne respecte pas le droit des femmes », confiait Jennifer Lockwood-Shabat, 49 ans, en étouffant un sanglot. « On entre dans une nouvelle culture de protection de la vie », se réjouissai­t à l’inverse Gwen Charles, 21 ans.

L’arrêt publié hier « est l’un des plus importants de l’histoire de la Cour suprême depuis sa création en 1790 », remarque le professeur en droit de la santé Lawrence Gostin. « Il est déjà arrivé qu’elle change sa jurisprude­nce mais pour instaurer ou restaurer un droit, jamais pour le supprimer. »

La décision va à contre-courant de la tendance internatio­nale à libéralise­r les IVG, avec des avancées dans des pays où l’influence de l’Église catholique reste forte comme l’Irlande, l’Argentine, le Mexique ou la Colombie. À l’internatio­nal, plusieurs voix, dont celles d’Emmanuel Macron ainsi que des Premiers ministres britanniqu­e Boris Johnson et canadien Justin Trudeau, ont d’ailleurs déploré le « retour en arrière » américain. L’arrêt couronne 50 ans d’une lutte méthodique menée par la droite religieuse, pour qui il représente une énorme victoire, mais pas la fin de la bataille : le mouvement devrait continuer à se mobiliser pour faire basculer un maximum d’États dans son camp ou pour essayer d’obtenir une interdicti­on au niveau fédéral.

Les minorités pénalisées

Selon l’institut Guttmacher, un centre de recherche qui milite pour l’accès à la contracept­ion et à l’avortement dans le monde, la moitié des États devraient interdire à plus ou moins court terme les avortement­s. Dans ces États, les femmes désirant avorter seront donc désormais obligées de poursuivre leur grossesse, de se débrouille­r clandestin­ement – notamment en se procurant des pilules abortives sur Internet –, ou de voyager dans d’autres États où l’IVG restera légale. Mais voyager est coûteux et cet arrêt de la Cour suprême pénalisera davantage les femmes pauvres ou élevant seules des enfants, qui sont sur-représenté­es dans les minorités noires et hispanique­s, soulignent les défenseurs du droit à l’avortement.

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(Photo AFP) Des militantes « en faveur de la vie » ont aussitôt célébré cet arrêt devant la Cour suprême.

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