Monaco-Matin

Sur les rives de l’Estéron : « Je me fais insulter »

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Justine habite au bord de l’Estéron, dans un petit village des Alpes-Maritimes. La cohabitati­on avec les touristes est devenue difficile, mais encore plus depuis la crise sanitaire. Parmi les touristes, elle inclut ceux qui vivent dans les villes, de Nice à Marseille.

« J’ai la chance et la malchance d’habiter dans un endroit touristiqu­e au bord de la rivière. Le site est classé Natura 2000 et il fait partie du parc régional des Préalpes d’Azur. Les gens ne respectent pas la plage. On n’y va plus dans la journée. En revanche, le soir, on va ramasser les déchets abandonnés » souligne-t-elle.

Peur des représaill­es

Pourtant, il y a des poubelles le long de la route, avec un ramassage régulier. Mais il faut revenir jusqu’à la voiture en marchant parfois sur 3 kilomètres avec le sac de déchets. En fait, le chemin d’accès à la rive a été fermé par une barrière pour permettre aux pompiers d’intervenir en cas d’urgence.

« Nous sommes une vingtaine de maisons tout au bout du chemin. Les gens ne comprennen­t pas que l’on passe en voiture alors qu’eux doivent marcher. Je me fais insulter régulièrem­ent. »

Justine a même peur, parfois, quand le ton monte. Peur des représaill­es aussi. Son prénom a été changé, et elle ne veut pas préciser où elle vit exactement.

Mercantour : vols dans la cabane du berger

La touristoph­obie la gagne peu à peu. L’équipe du parc des Préalpes d’Azur fait pourtant beaucoup de prévention et de communicat­ion.

Dans le parc du Mercantour Anton, berger, fait paître ses brebis. Il ne se sent pas respecté par les randonneur­s du GR5, qui passe tout près de sa cabane entre Saint-Etienne-deTinée et Valberg. « Plusieurs fois, ils sont entrés et ont volé la nourriture », regrette-t-il, un peu blasé.

Il y a aussi ceux qui rouspètent

Justine est exaspérée par les comporteme­nts des touristes, dont ceux venus de Nice, qui prennent d’assaut les plages le long de l’Estéron, notamment à Broc : bruit et déchets laissés sur place sont le lot quotidien de cette riveraine en été.

contre les chiens, qui protègent le troupeau. «Ils font leur boulot quand ils aboient. » Il faut juste se renseigner sur le comporteme­nt à avoir avec eux.

Sainte-Baume : fumeurs inconscien­ts

« Notre problème, c’est surtout le risque d’incendie. Il a ceux qui fument dans la forêt. Et ceux qui ne sont pas au courant que l’accès est interditqu­andilyatro­pdevent», souligne Carole d’Antuoni, responsabl­e du dispositif écogarde, pour le parc régional de la Sainte-Baume. Quand les gens ont roulé des heures et qu’ils trouvent la barrière baissée, la tension monte parfois. Piétinemen­t de la flore en dehors des sentiers, ramassage du bois alors qu’il doit être laissé sur place pour la biodiversi­té, cueillette de plantes aromatique­s et de fleurs, comme les orchidées ou l’hélichryse, qui est un remède contre les bleus… Autant de gestes négatifs qui se répètent, déplore son collègue Romain Febbrari. Tous deux montent plusieurs fois par jour jusqu’au

Saint-Pilon. Ils entament leur ascension d’une heure, quand arrive tout sourire Jean-Luc. Venu de Saint-Zacharie, il roule avec son VTT là où c’est interdit. Les gardes stoppent sa course. « Pas de souci. Je passerai ailleurs » dit-il. Une fois le massage transmis, une conversati­on amicale s’engage avec lui. « On a souvent des gens bien comme ce monsieur », ajoute Romain. Ils font rarement appel aux gendarmes, mais c’est la seule solution parfois pour ramener calme et respect. « Depuis la crise Covid, les gens sont tendus face aux interdits » note Romain.

Chacun garde ses peaux de banane

Dans le parc régional du Verdon, trois agents ont les pouvoirs de police. C’est une exception. Une centaine de verbalisat­ions ont été dressées l’an dernier, rappelle Antoine Prioul, coordinate­ur des écogardes. Ils patrouille­nt même la nuit, « à cause des feux de camp que certains pensent avoir le droit d’allumer parce qu’ils sont en montagne et près d’un lac. » Cette année, ils redoutent la sécheresse. La première chose à faire avant d’aller dans un espace protégé, c’est de se renseigner sur ses droits et ses devoirs. Par exemple, explique Aline Comeau, directrice du parc du Mercantour, « les drones, les vélos et les chiens sont interdits dans le coeur du parc, où il y a un degré élevé de protection. La découverte doit se faire à pied et en silence. » Sur le site des gravures rupestres, où passent 60 000 visiteurs par an, il est interdit de divaguer sans un accompagna­teur agrémenté, etc. Mais il y a toujours ceux qui se moquent des interdits.

Les comporteme­nts déplacés, dangereux, malveillan­ts et parfois inconscien­ts, les gardes y sont partout confrontés. Ne pas jeter les peaux de banane dans la nature, c’est être écolo. Même si elles sont biodégrada­bles, elles sont bourrées de pesticides qui polluent ces terres, que tant d’efforts cherchent à préserver. Le tout c’est d’en être conscient.

‘‘ Les gens ne respectent pas la plage ”

‘‘ Depuis la crise Covid, les gens sont tendus face aux interdits ”

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