« On a tué Didi » : la vérité sur l’affaire de la gendarme Sakhri ?
Le corps de Myriam Sakhri a été retrouvé en 2011 dans sa caserne à Lyon. La justice a d’abord conclu à un suicide, mais l’enquête est rouverte. Fadila, la soeur de Myriam, qui vit à Nice, a écrit un livre.
O «n ne se suicide pas d’une balle dans le foie. Qui plus est lorsque l’on a été pompier, que l’on connaît l’anatomie et que l’on sait qu’on va mettre longtemps à mourir » Onze ans après la mort de sa soeur, Fadila Sakhri n’a toujours pas réussi à faire son deuil.
Le 24 septembre 2011, Myriam Sakhri, gendarme au Corg (Centre d’opérations et de renseignements de la caserne Delfosse à Lyon), est retrouvée morte, dans son appartement de fonction, une balle dans l’abdomen, son arme de service à ses pieds.
Et au fil de l’enquête, découvrant de nombreuses zones d’ombre, la famille de cette jeune femme de 32 ans a acquis la certitude que la thèse officielle n’était pas la bonne : un suicide pour raisons personnelles.
Non-lieu, puis enquête rouverte
D’ailleurs, dix ans après les faits, la justice a décidé de rouvrir le dossier. Cette décision d’avril 2021 redonne de l’espoir à tous ceux qui aimaient la jeune femme. Dans un premier temps, l’affaire Myriam Sakhri avait été classée, mais la famille de Didi, comme l’appelaient ses proches, avait porté plainte. Une information judiciaire ouverte en 2012 avait abouti à un non-lieu en 2013, confirmé en appel en 2014 puis par la Cour de cassation en 2015.
« Écrire, ça a été un peu comme une thérapie pour moi. Mais je voulais surtout rendre hommage à ma soeur, une gendarme félicitée pour sa bravoure, décorée. C’était un exemple, celui d’une intégration parfaite, un pur produit de la République », entame Fadila Sakhri, qui vit à Nice. Elle déplore : «Le doute n’est pas levé sur sa mort. Pour moi, elle a été tuée. Cette réouverture d’enquête nous permet d’espérer enfin connaître la vérité ». Fadila a fouillé, gratté, rencontré des experts balistiques, un criminologue, un comportementaliste… Elle est retournée sur les pas de sa soeur pour essayer de débusquer toutes les incohérences du dossier. «Etilyen a» , jure celle qui, depuis le drame, a établi sa vie entre Cannes et Nice. « L’institution a tout fait pour contrôler l’info dès le début, les investigations ont été partiales », souffle la soeur de Myriam. « Notre suspicion est légitime. Outre la façon dont Didi se serait donné la mort, une autre douille a été retrouvée derrière son canapé. Et étrangement, personne dans la caserne ne semble avoir entendu un coup de feu en pleine nuit, détaille-t-elle. Et ce ne sont pas les seuls problèmes de cette affaire ». Myriam Sakhri n’avait cessé de dénoncer, notamment par écrit, « le racisme » de certains collègues au sein de la caserne Delfosse. La gendarme avait constitué un dossier. Myriam Sakhri avait ensuite affirmé avoir été victime de harcèlement de la part de sa hiérarchie. En cause, notamment, le colonel G. qui avait d’ailleurs déclenché deux procédures pénales contre elle.
Certains gendarmes ont avoué s’être sentis « manipulés »
Après sa mort, certains gendarmes avaient juré que c’est Myriam qui avait « changé de comportement », parce qu’on ne lui avait pas octroyé la mutation demandée, et qu’elle « multipliait les arrêts maladie ».
Des arguments repris par la justice pour justifier le nonlieu de 2015. Mais, les années passant, les langues se sont déliées et certains gendarmes ont avoué s’être sentis « manipulés ».
Ceci, ajouté aux zones d’ombre débusquées par la famille, a donc conduit à la reprise des investigations. « Avec ce livre, j’amène aussi ma pierre à l’édifice de la vérité », conclut Fadila.
Onatué Didi, l’affaire Myriam Sakhri, éditions Le pentacle, en vente sur Amazon, 15 euros, 231 pages.