« Réveillé par des missiles russes qui tombent sur Kiev »
Hier à l’aube, quelques heures avant l’ouverture, en Allemagne, d’un sommet du G7 largement consacré à l’Ukraine, le Kremlin a de nouveau ciblé la capitale ukrainienne. Témoignage.
Il est 6 h 20 du matin, hier (5 h 20 dans l’Hexagone). Réveil en sursaut par deux déflagrations suivies de deux autres aussi puissantes. Sur le coup, on s’interroge. Fenêtre fermée avec le bruit de la climatisation, je n’ai pas entendu la sirène. Faut-il aller au moins dans le couloir, pour s’éloigner de la grande fenêtre vitrée qui éclaire la chambre de mon hôtel du 9e étage d’un immeuble moderne de la rive droite ? Ou bien faire confiance au hasard, comme la majorité des Ukrainiens ? Je choisis la seconde option. La probabilité qu’un missile tombe pile sur mon bâtiment situé au milieu d’une immense ville très étendue et à moitié déserte de plusieurs millions d’habitants est peu probable.
Replonger les civils dans la peur
Un risque toutefois nettement plus élevé cette fois-ci car ce sont apparemment douze missiles, selon un député ukrainien, que l’armée russe a tirés sur la capitale, qui n’offre pourtant plus d’objectifs stratégiques particuliers.
Les forces et le matériel militaires sont en effet plutôt répartis vers l’est, au Donbass, pour freiner la poussée russe, qui avance un peu plus chaque jour grâce à la supériorité numérique de son artillerie. Depuis trois semaines, la capitale était épargnée. Pour rétablir
la pression avant les sommets du G7 en Allemagne et de l’Otan à Madrid, le maître du Kremlin a validé le tir d’une pluie de missiles, heureusement interceptés en majorité par la défense antiaérienne ukrainienne. Bilan provisoire : deux blessés dans les trois derniers
étages d’un immeuble en feu. Mais les dégâts sont importants. Vêtus de leurs combinaisons jaunes, les pompiers cherchent des survivants parmi les blocs de béton. « Des gens restent sous les décombres », apprend-on sur la messagerie Telegram, très regardée en Ukraine. Le bilan
peut donc s’alourdir. De
(1) quoi replonger la population dans la peur, alors qu’elle pouvait espérer être épargnée depuis que la guerre se concentre au Donbass. Réveillées en sursaut, des familles sont sorties paniquées, vêtues d’un pyjama ou en chemises de nuit. Peu sont descendues dans les caves ou les abris, fatalistes après plus de quatre mois de guerre.
« Poutine est un malade »
Des voitures circulent en ce dimanche de bombardement, mais presque personne dans les rues. « Poutine est un malade », essaye de me faire comprendre mon chauffeur de taxi, qui m’amène à la gare routière où je dois prendre un autobus pour Varsovie. Un voyage d’une vingtaine d’heures. Seul moyen de quitter le pays, car les rares trains affichent toujours complet. Une façon, peut-être, d’estomper la difficulté des chemins de fer à faire circuler des trains, alors que les missiles russes essayent de détruire les ponts et les noeuds ferroviaires. À la gare routière, les magasins sont fermés. Les employés du KFC se sont réfugiés dans l’arrière-cuisine. Une seconde alerte retentit. Le gardien, un grand costaud en uniforme beige, me demande d’aller me réfugier au fond de la galerie marchande. Nous attendons tous que le calme revienne, sans savoir si la Russie va tirer de nouveaux missiles depuis la mer Noire. 1. Il était passé hier soir à un mort et six blessés, dont une fillette de 7 ans.