Christian Stanek : l’art de transmettre, sans calculer
Portrait À 63 ans, ce professeur de mathématiques de l’Institution Saint-Joseph CarnolèsRoquebrune approche sagement de la retraite avec des projets plein la tête.
Il est une institution au sein de l’Institution Saint-Joseph. Dévoué corps et âme depuis 1979. Christian Stanek va quitter ses fonctions le 30 septembre prochain, après 43 ans de services rendus.
Né le 21 juillet 1959 à Besançon, il est élevé par un père horloger, sa maman est directrice d’école primaire. Issu d’une fratrie de huit enfants – uniquement des garçons, Christian Stanek débarque à Menton tout jeune. « Lorsque j’avais 5 ans, on est descendu sur la Côte d’Azur car le climat du Doubs ne convenait pas à mon père », se souvient-il. Sa maman dirige les écoles de Gilette, La Grave-de-Peille puis Monti. « J’ai su lire à 5 ans en apprenant tout seul, j’ai sauté le CP. Enfant, j’étais calme, j’aimais lire car c’était un moyen d’évasion, il n’y avait pas de télé à la maison, j’ai tout dévoré dans les bibliothèques scolaires. »
Son cursus, après le primaire à Monti et une partie du collège à Pierre-et-Marie-Curie, l’emmène à Saint-Joseph en 3e. Nous sommes en 1972. « Certains de mes frères avaient des difficultés, ils ont fait un BEP à Saint-Joseph ». Lui décroche le Bac C. « Je suis le premier à l’avoir eu à Saint-Joseph, avec mention assez bien ». Il poursuit à la Fac de sciences où il obtient une licence de mathématiques et il commence à enseigner à Saint-Joseph pendant deux ans en 1979 avant de partir à l’armée au Mont-Agel.
Autonome et fonceur
Passionné de nautisme, il donne des cours particuliers très tôt pour s’acheter un bateau et payer l’emplacement du port. Il revient après l’armée en tant que prof de maths titulaire. « J’ai dû me débrouiller très jeune pour gagner ma vie, mon père a eu la poliomyélite et il a fallu assurer ».
Son truc à lui ? « C’est d’arriver à faire faire des maths à des gens qui se disent nuls, cela me galvanise. Il faut donner de l’espoir à ces personnes, c’était mon défi ». Il obtient des résultats grâce à une grande patience, de la valorisation et une approche positive. Même si parfois, il avoue « avoir engueulé les élèves quand c’était nécessaire ». Quand on l’interroge sur la pédagogie, il répond du tac au tac : « Je pense qu’il y a une grande part d’inné, même si cela s’apprend. Il faut être prof en ayant envie d’apprendre des choses aux gens, si c’est pour les quatre mois de vacances...». En 2006, Marie-Françoise Brivet le nomme alors adjoint, responsable de liaison 3e/Seconde, puis il devient adjoint du lycée. « On l’a transformé avec des stages d’intégration, la Journée des métiers et les voyages scolaires », ditil fièrement. « Moi je me régénère avec le contact auprès des élèves », poursuit-il.
Pourtant, il ne prendra jamais la direction de l’Institution Saint-Joseph par choix personnel. « Quand on est chef d’un établissement privé sous contrat, on reçoit une mission d’église de la part d’un évêque, je ne me sentais pas de le faire. C’est d’ordre philosophique ». S’il se dit croyant, la notion d’humaniste semble plus forte. La pédagogie et s’occuper des élèves sont ses véritables leitmotivs.
Homme de chantiers
Christian Stanek a toujours regardé devant, mais revient néanmoins sur plusieurs chantiers dont il revendique la paternité. Et surtout la réussite : « Quand je suis arrivé, en seconde il y avait 110 élèves, je pars cette année il y en a 200. J’ai aussi milité pour le développement de l’informatique, j’ai d’ailleurs été le premier professeur à éditer un bulletin informatique. Le trimestre suivant tout était informatisé » .Il s’est également attaqué aux stages en entreprise avec les 3e : « L’opération s’appelait ‘‘Un métier, un jour’’. On a fait ça pendant 10 ans avant que l’État ne demande que cela se fasse ».
À son tableau de chasse, il y a aussi La Journée des métiers avec la participation de 140 professionnels. Christian Stanek a également tourné Saint-Joseph vers l’international, « contre l’avis de certains professeurs d’Anglais », avoue-t-il. Londres, l’Afrique du Sud, New York, le projet Australie... Autant d’échanges qui ont fait la renommée de l’établissement. Concernant les échecs de sa carrière, il admet « ne pas avoir de regrets, sauf pour les élèves qui ont claqué la porte et quitté l’école souvent en rébellion contre la société. La plupart de ceux à qui c’est arrivé sont partis en bons termes tout de même ».
Les générations et la transmission
À l’opposé du discours du c’était mieux avant, Christian Stanek dresse une juste analyse de la différence générationnelle. «Cequia changé, ce sont les écrans, les gamins sont informés de ce qu’il se passe dans le monde alors que 30 ans en arrière ce n’était pas le cas. Il faut gérer ce flot d’informations, à mon sens il ne faut pas interdire portables et tablettes à l’école sauf utilisation pédagogique, c’est le cas dans notre règlement intérieur. Aux jeunes de savoir s’en servir . Et va même jusqu’à y voir une génération, « plus sensibilisée et capable de s’impliquer dans des causes humanitaires ».
Lorsqu’on aborde le sujet de la transmission, la réponse se veut claire : « C’est un état permanent, je n’ai jamais eu de secrets, j’ai toujours transmis, Lorsqu’un prof arrive, je partage. J’ai toujours partagé ! »
L’après 30 septembre
« Je marie ma fille, je vais faire de la voile avec mon vieux bateau anglais qu’il faut que je retape. Et puis après, place aux voyages », se projette le futur retraité loin d’avoir vécu un chemin de croix professionnel. Au contraire ! « Je n’ai pas fait de grosses conneries, même si en voyage avec les élèves on a vécu des histoires incroyables. Je me suis éclaté pendant 43 ans en regardant le côté positif des choses ». Une carrière incroyable pour cet homme fidèle, généreux, altruiste et surtout sans calculs. Un paradoxe pour un professeur de mathématiques...